« La vie ne s’arrête pas. » C’est le message véhiculé par Christine Chirossel, médecin responsable du pôle scientifique de l’association Prader-Willi France, elle-même mère d’une femme de 40 ans atteinte du syndrome de Prader-Willi (SPW). Elle raconte un syndrome qui exige une attention continue, mais pour lequel le diagnostic ne sonne plus comme une fatalité.

Car « sur le plan somatique, les choses sont relativement bien cadrées, explique-t-elle. En raison de l’obésité liée au syndrome, l’espérance de vie ne dépassait pas 20 ans. Aujourd’hui, les symptômes sont pris en charge et l’hormone de croissance, les traitements substitutifs par les hormones gonadiques permettent un développement physique plus normal. La différence est étonnante. »

À la naissance, les enfants atteints du SPW présentent une hypotonie persistante associée à un désintérêt alimentaire. À partir de 2 ou 3 ans, l’anorexie se transforme en une attirance extrême pour la nourriture. « Ils peuvent aller jusqu’à fouiller dans les poubelles ou manger la nourriture des animaux », souligne Christine Chirossel. Cette addiction à la nourriture se traduit par une obésité qui peut devenir morbide, renforcée par le fait que les personnes atteintes par le SPW ont un faible métabolisme de base. C’est la première cause de complications et de mortalité.

Les enfants souffrent également de retards de développement (marche, petite taille) et de déficit cognitif. Ce dernier est très variable, et n’est en général pas un obstacle à la scolarisation, au moins jusqu’à la puberté. Les troubles émotionnels, qui peuvent être importants dans la maladie, et le manque d’autonomie alimentaire sont ensuite plus compliqués à gérer.

« Le SPW est une maladie organo-psychiatrique, souligne le médecin. Les personnes atteintes du syndrome peuvent présenter des colères souvent liées à la frustration et à une incompréhension du monde. Ils peuvent être compulsifs et impulsifs, avec parfois des traits psychotiques. » L’adolescence est une période complexe, qui rend difficile la tâche des familles et des éducateurs.

De la recherche à l'accompagnement

« Il faut bien garder à l’esprit que les personnes atteintes du SPW ne seront jamais complétement autonomes », insiste le Dr Chirossel, et certaines sont très touchées, notamment par les troubles émotionnels.

C’est donc aussi dans l’accompagnement social, en plus de la prise en charge médicale, que les familles d’enfants atteints par le syndrome de Prader-Willi ont besoin d’aide. Et c’est dans cette mission que l’association Prader-Willi France prend toute sa dimension.

« L’association a été créée car rien n’existait et on n’avait pas le mode d’emploi, explique Gérard Méresse, son président. Dans un premier temps, sa mission a été de mettre l’accent sur la recherche et de faire évoluer les connaissances. Mais la médecine a ses limites, et aujourd’hui, si nous continuons à la financer, nous avons souhaité donner une nouvelle impulsion. »

L’association se concentre désormais sur les familles, et les aide à franchir plusieurs étapes particulièrement difficiles. Le diagnostic, souvent réalisé très tôt chez les nouveau-nés (voir ci-contre), le cap des 2-3 ans, lorsque les enfants passent d’un état anorexique à une hyperphagie, et l’adolescence. À cette période, le maintien dans un parcours scolaire standard est souvent difficile. Et les centres spécialisés ne les accueillent pas facilement…

Soulager les familles

« Les établissements spécialisés s’estiment parfois dépassés par la complexité de l’accompagnement », note Christine Chirossel. C’est aussi l’un des combats de Prader-Willi France : favoriser leur acceptation en formant les éducateurs et en incitant les centres médico- sociaux à se rencontrer pour partager leurs expériences, le tout en relation avec les équipes régionales relais handicaps rares.

L’association n’oublie pas non plus la recherche. Elle est en lien hebdomadaire avec le Centre national de référence sur la maladie, coordonné depuis le CHU de Toulouse par le Pr Maïté Tauber. De nouveaux traitements donnent quelques motifs d’espoir. L’essai ZEPHYR (phase IIb), notamment, lancé en 2019, étudie l’effet d’un analogue de la ghréline non acylée dans la réduction de l’hyperphagie.

Anomalie sur le chromosome 15

Le syndrome de Prader-Willi (SPW) illustre l’empreinte génomique parentale : les gènes situés dans la région 15 q11-q13 sont exprimés différemment selon qu’ils sont situés sur le chromosome d’origine paternelle ou maternelle. Le dénominateur commun des différentes anomalies génétiques du SPW est l’absence de contribution des gènes d’origine paternelle au patrimoine héréditaire de l’enfant atteint (absence ou perte de fonction).

Dans environ 70 % des cas, l’anomalie est causée par une délétion sur le chromosome paternel, et dans près de 30 % par une disomie uniparentale maternelle (absence de chromosome paternel). Dans des cas plus rares, il peut s’agir d’un défaut isolé de la méthylation ayant pour conséquence une inactivation des gènes paternels, ou d’une translocation réciproque.

« Ce que l’on sait, c’est que ces gènes codent des protéines impliquées dans le développement du complexe hypotalamo-hypophysaire, siège de la sécrétion endocrine, de la régulation de la satiété, des centres de la compréhension des émotions et de l’environnement, explique Christine Chrirossel. L’imagerie et l’analyse post mortem ont révélé que toute cette zone est perturbée chez les personnes atteintes. »

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