"J’ai été élevé dans un contexte où ma famille aidait les personnes, accueillait des gens à la maison, livre le Dr Lazimi. Cette culture de l’hospitalité vient de ma mère. J’aime la relation aux autres et exercer un métier où je peux aider était important pour moi." Au moment de choisir son orientation, il hésite avec un métier artistique mais finalement, c’est la médecine qui l’emporte, à la faculté Pierre-et-Marie-Curie à Paris. Pour la spécialité, il s’essaye à la cardiologie et à l’échocardiologie mais "cela ne me plaisait pas, c’était trop restrictif, trop technique, pas suffisamment dans la relation avec le patient". Il opte pour la médecine générale car "l’écoute, la prise en charge globale du patient m’a vraiment intéressé. Et surtout, on consulte un patient debout, dans son environnement, dans une position d’égalité".


La découverte des réalités humaines

À la fin de ses études en 1987, il débute ses premiers remplacements en libéral, à Paris. "J’ai commencé à exercer au moment de l’épidémie du sida, raconte-t-il. Je sortais de la faculté, avec ma formation hospitalière, et comme mes confrères je suis arrivé sur le terrain avec cette idée de la toute-puissance du médecin. Pendant nos études, on nous enseigne la maladie, les symptômes, les conduites à tenir et les traitements. Mais face à des patients atteints du VIH, cela ne passe pas. Ils m’ont appris la réalité de leur vie avec le VIH, de leur sexualité, ce qui a beaucoup marqué ma pratique car ils demandent de l’écoute, du partage et un accompagnement respectueux de leur désir. J’ai beaucoup appris avec eux".

En parallèle au libéral, le Dr Lazimi assure des remplacements en centre de santé à Montreuil et Clichy-la-Garenne. "J’ai découvert une autre médecine, celle où l’on n’a pas de rapport à l’argent avec le patient et une médecine d’équipe, cela m’a plu." Il cherche un poste en centre de santé, sans succès, et s’installe en libéral, à Paris dans le 20e. Une installation qui ne dure que quelques mois puisqu’il intègre le CMS de Romainville en novembre 1989 comme médecin généraliste, responsable de la structure. Il découvre alors la médecine sociale.

"Je reçois en consultation des patients 'dans leur vie réelle' avec des problèmes de santé, des problèmes sociaux, des difficultés au travail, dans leur couple. Cela appelle forcément à une prise en charge globale et une approche centrée sur le patient." Ce poste lui permet de faire des consultations tout en coordonnant les actions de prévention pour la ville, qui abordent de nombreuses thématiques dont la lutte contre le sida ou encore la prévention des toxicomanies.


Les violences faites aux femmes, une révélation

Dans le cadre d’une action avec la Direction générale de la santé (DGS), le conseil général et la ville de Romainville, le Dr Lazimi organise en 1997 la promotion du préservatif féminin, pas encore commercialisé à l’époque. "Nous voulions faire connaître ce mode de contraception et avons demandé à 2 000 médecins généralistes de Seine-Saint-Denis de l’essayer dans leur vie privée, car pour tenir un discours de prévention, il faut savoir de quoi on parle », soutient-il.

En parallèle, ces médecins proposent ce préservatif à leurs patientes afin d’évaluer son accessibilité et sa facilité d’usage. Le Dr Lazimi le présente lui aussi à deux de ses patientes séropositives. "C’est de cette manière que j’ai découvert leur histoire, se remémore-t-il gravement, dans son bureau du CMS, avec en arrière-plan des affiches contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Deux histoires de violences. L’une d’elle ne parvenait pas à imposer le préservatif masculin à son conjoint, et la seconde, qui se contaminait volontairement lorsqu’elle était en grande détresse, m’a raconté les viols qu’elle avait subis enfant. J’ai alors pris conscience de la difficulté d’être une femme et d’avoir une sexualité, cela m’a éclairé sur les conduites à risque de certaines patientes."

Dans le même temps, il s’interroge sur les difficultés relationnelles existant parfois. "En les questionnant, là aussi j’ai découvert qu’elles avaient subi des violences. J’ai réalisé à quel point il peut être facile de connaître l’histoire de nos patientes à condition de poser les bonnes questions." Et de poursuivre : "Je pense que chaque médecin devrait interroger ses patientes afin de savoir si elles sont ou si elles ont été victimes de violences, au même titre que nous les questionnons sur leurs antécédents médicaux." 

Car les violences peuvent soit être en lien, soit expliquer certaines pathologies comme l’anorexie, l’obésité, les addictions, la dépression ou encore la fibromyalgie. "Apprendre que mes patientes avaient été victimes de violences a changé ma manière de les prendre en charge, j’ai réduit mes prescriptions et je me suis concentré sur l’écoute, ce temps thérapeutique est essentiel", raconte le médecin, militant au sein de nombreuses associations dont le Collectif féministe contre le viol (CFCV) et SOS femmes 93.


Le choix d'enseigner et de sensibiliser

Depuis 2004, le Dr Lazimi est coordinateur des campagnes de sensibilisation sur les violences conjugales et sexuelles, et depuis 2009 de celles contre les violences éducatives ordinaires pour la Fondation pour l’enfance. "En m’occupant des femmes victimes de violences, cela m’a éclairé sur celles commises à l’encontre des enfants, explique-t-il. En France, il n’y a pas de loi interdisant les violences éducatives ordinaires, le droit de correction existe, nous n’appliquons pas la convention internationale des droits de l’enfant." D’où l’organisation de campagnes pour aider les parents dans l’exercice de la parentalité comme "Élever son enfant sans violence" en 2009 de la Fondation pour l’enfance ou encore "Pour une éducation sans violence, sans fessées, ni claques" de 2011 et 2013.

Cette approche d’écoute et d’accompagnement, le Dr Lazimi la transmet aussi à ses étudiants en médecine puisqu’il est maître de stage et enseignant depuis 2007 en médecine générale à la faculté Pierre-et-Marie-Curie. "Je m’occupe de l’enseignement sur la santé de la femme, les violences sociétales, les inégalités sociales de santé, la souffrance au travail ou encore le rôle psychothérapeutique du médecin généraliste. Mon approche des soins, je la partage avec mes étudiants et en dix ans j’ai constaté une évolution des mentalités. Ils sont davantage sensibilisés, posent des questions sur les violences plus facilement, et y sont de plus en plus formés." 

Il aborde également ces problématiques au sein du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH), une autorité indépendante qui évalue les politiques publiques concernant l’Égalité et participe au débat public, dont il est membre depuis 2013. "Je fais partie de la commission santé et droits sexuels, et de celle sur les violences faites aux femmes, rapporte-t-il. De nombreuses recommandations du HCEFH ont été reprises par les gouvernements notamment celle sur la suppression du délai de réflexion pour l’IVG." L’instance a également rendu des rapports sur le viol, la procréation médicale assistée, la santé des femmes en situation de précarité ou encore la parité électorale. "Nous avons le sentiment d’être entendus, conclut le Dr Lazimi. Les choses avancent même si ce n’est pas aussi rapidement que nous le souhaiterions."

Bio express

1957 : naissance à Meknès au Maroc

1987 : doctorat en médecine

Depuis 2004 : coordinateur des campagnes de sensibilisation sur les violences conjugales et sexuelles et militant associatif, membre de SOS Femmes 93 et du CFCV

Depuis 2007 : chargé d’enseignement puis maître de conférences associé à la Faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie

Depuis 2009 : coordinateur des campagnes contre les violences éducatives ordinaires

Depuis 2013 : membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes

RETOUR HAUT DE PAGE