En France, le coup d’envoi de la télémédecine n’a été réellement donné que par le programme Étapes (Expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé, article 36 de la loi de financement de la Sécurité sociale [LFSS] 2014) qui prévoyait des expérimentations, à compter du 1er janvier 2014, d’une durée de quatre ans, dans des régions pilotes… et finalement élargies à l’ensemble du territoire en 2017. En 2018, alors que téléconsultation et télé-expertise passent dans le droit commun, la télésurveillance, jugée plus complexe, restera, elle, sur le quai de l’expérimentation.

L’expérimentation Étapes, prolongée pour quatre ans, ne concerne désormais que la seule télésurveillance sur cinq pathologies : insuffisances cardiaque, rénale et respiratoire, diabète et prothèses cardiaques implantables. « Un programme qui a fait de notre pays un pays précurseur en Europe dans le domaine de la télécardiologie », se félicite Bruno Regnault, directeur général d’Abbott medical France.

Le 18 octobre dernier, un bilan du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem) faisait état d’une montée en charge assez inégale du dispositif selon les pathologies. L’expérimentation souffre de sa complexité (gestion manuelle par l’Assurance maladie, établissements de santé pas toujours bien informés, complexité de la facturation…). À cela s’ajoutent les maux bien connus de notre système de santé : manque d’interopérabilité entre les solutions de télésurveillance médicale et les systèmes d’information hospitaliers, faible périmètre des tâches des infirmières, pénuries d’effectifs dans les hôpitaux.

Il est fort probable que l’évaluation confiée à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) fera ressortir ces difficultés qui tiennent plus à l’environnement, notamment en ville, qu’aux solutions techniques mises en œuvre. Pour autant, les services rendus sont réels. Une étude, portant sur 262 000 patients suivis sur un an, a montré qu’une forte adhésion à la télécardiologie améliorait les chances de survie d’un facteur 2,4 chez les patients ayant un pacemaker ou un défibrillateur implantable*.

Les futurs défis

Les fournisseurs de solutions devront s’engager dans un nouveau parcours : marquage CE sous le régime plus contraignant de la nouvelle réglementation européenne avec des exigences d’évaluation clinique renforcées, évaluation par la Haute Autorité de santé (HAS) et inscription sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR). Et il est probable qu’un certain nombre d’opérateurs disparaîtront, sous l’effet des nouvelles contraintes et des moyens logistiques nécessaires. Il faudra aussi gérer la période intermédiaire entre la fin de l’expérimentation et le début du droit commun.

Si les professionnels de santé devront négocier l’inscription des nouveaux actes à la Classification commune des actes médicaux (CCAM), la période d’expérimentation devra surtout être mise à profit pour organiser des parcours en ville entre médecin spécialiste et infirmière, un chantier de plus pour les futures communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui ne vont pas chômer sur le terrain de la coordination des soins. D’autant que s’il faut passer par Étapes pour atteindre cette voie royale dans les cinq domaines concernés, d’autres chemins pourraient également y mener dans d’autres pathologies : projets régionaux avec des financements de l’agence régionale de santé (ARS), expérimentations prévues par l’article 51 de la LFFS 2018…

* Mittal S, Piccini J, Fischer A, Snell J, Dalal N, Varma N (2014, May). Increased adherence to remote monitoring is associated with reduced mortality in both pacemaker and defibrillator patients. Presented at the meeting of the Heart Rhythm Society, San Francisco, CA.

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