La solution Ako@dom est la première-née de Continuum+, plateforme créée en 2007 dans le but « d’améliorer le continuum entre l’hôpital et la ville pour les patients atteints de maladies chroniques et traités à domicile », explique Delphine Riché, sa cofondatrice. Son premier programme d’accompagnement, Ako@dom, s’adresse aux patients traités par thérapie ciblée pour un cancer du rein, du sein ou du poumon en ville. « Nous observons, depuis quelques années, une évolution des modes de prise en charge. Car si, auparavant, les traitements étaient essentiellement administrés par voie intraveineuse à l’hôpital, les patients bénéficient aujourd’hui de thérapeutiques administrées par voie orale à domicile, en particulier pour les cancers métastatiques », poursuit-elle.

Des traitements qui confrontent les patients à certaines problématiques : effets indésirables au même titre que les chimiothérapies injectables, incapacité à reconnaître les signes avant-coureurs potentiellement graves, difficultés à joindre les équipes de soins hospitalières du fait de files actives toujours plus importantes… « À la suite d’un échange avec l’association Patients en réseau, nous avons réalisé à quel point les patients peuvent se sentir démunis, d’autant plus que les médecins généralistes ou les pharmaciens d’officine sont peu formés à ces thérapeutiques. Ces difficultés surviennent tout particulièrement à la phase sensible de l’instauration du traitement, quand la maladie devient métastatique », poursuit Delphine Riché.

Ce qu’est Ako@dom ? Une solution numérique et humaine conçue en partenariat avec l’association de patients et un comité pluridisciplinaire comptant des professionnels libéraux et hospitaliers. Ce qu’elle propose ? De sécuriser la prise en charge ambulatoire des patients traités par anticancéreux, de développer leur autonomie et d’améliorer à la fois l’observance et la qualité de vie ; de fluidifier le parcours de soins ; et favoriser le partage d’informations avec le personnel hospitalier, tout en mobilisant les professionnels de soins primaires à l’aide d’outils numériques. « Le numérique c’est bien, mais le numérique humanisé, c’est mieux ! », affirme Delphine Riché.

Un trio gagnant

Si le point d’entrée est initié par l’oncologue au moment de l’instauration du traitement, c’est l’infirmière libérale qui en assure le suivi. Formée à un protocole de suivi, celle-ci se rend à domicile pendant les trois premiers mois du traitement pour s’assurer de la bonne prise des médicaments et observer les effets secondaires éventuels. Infirmière libérale à Drusenheim (Alsace), Véronique Heinrich utilise l’outil depuis quelques mois : « J’ai été sollicitée pour accompagner une patiente de 50 ans, qui avait du mal à vivre ce cap de la maladie. Elle avait commencé le traitement métastatique et ne comprenait pas pourquoi elle se sentait mal depuis. Il a fallu la rassurer, lui expliquer les effets secondaires et l’encourager à poursuivre son traitement. » À l’aide d’un questionnaire, l’infirmière a pu suivre les paramètres vitaux de sa patiente, indiquer les effets secondaires et en déterminer la gravité, et décider de la suite. « Je me suis rendue à son domicile une fois par semaine, puis tous les quinze jours. Un peu comme un aidant professionnel qui accompagne, écoute, et conseille… », confie Véronique Heinrich, qui dit apprécier l’idée d’équipe soignante : « On reçoit les informations des oncologues, on suit ensemble l’évolution de la maladie, on met quelque chose en place pour le bien du patient… »

« Mon utilisation de la plateforme est très large, explique le Dr Bertrand Mennecier, pneumologue aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), notamment auprès des patients en situation de fragilité sociale (isolement affectif ou géographique), avec des troubles de la compréhension des consignes vis-à-vis des traitements, ou une fragilité clinique particulière avec des comorbidités ou encore de nombreuses médications qui peuvent générer des interactions. » Une prise en charge qui présente plusieurs avantages, « notamment celui de maintenir le médecin généraliste au coeur de la prise en charge », précise-t-il : « Le fait de faire renseigner les données de suivi par une infirmière permet de médicaliser le maintien à domicile et de s’affranchir d’éventuels troubles cognitifs qui empêcheraient le patient d’indiquer lui-même ses données. Cela permet aussi au médecin prescripteur oncologue d’être beaucoup plus serein par rapport à la gestion d’éventuels effets secondaires potentiellement graves et qui, bien souvent, conduisaient à proposer au patient une consultation à titre systématique après deux semaines de traitement afin de pouvoir juguler d’éventuelles toxicités sans les laisser s’installer de façon trop importante. »

À titre d’exemple, le médecin spécialiste a inscrit une patiente domiciliée à environ 50 minutes du CHU, lors de l’instauration d’une 2e ligne d’inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI), pendant laquelle elle lui avait fait part « de ses craintes de voir se reproduire les effets secondaires connus sous le traitement précédent » et pour lesquels elle avait, d’elle-même, réduit la posologie, raconte Bertrand Mennecier. Une fois la patiente inscrite dans Ako@dom, le médecin traitant a été informé des effets secondaires attendus et de leur gestion. Il a aussi été possible d’éviter une consultation au CHU « potentiellement inutile », selon le pneumologue, ainsi qu’une « adaptation posologique gérée par la patiente elle-même », sachant que ces mauvaises observances constituent l’une des premières causes d’échec de traitement.

Mieux se former

Autre avantage : un accès à des contenus de e-learning pour le médecin et le pharmacien sur des pathologies rares pour lesquelles les innovations thérapeutiques sont nombreuses et rapides. « Il est illusoire de penser que les médecins généralistes pourraient se former à toutes les innovations thérapeutiques pour des pathologies qui représentent, pour certaines, 2 % des cancers bronchiques, pour des patients qu’ils n’ont que très peu de chances d’avoir dans leur patientèle au cours de leur carrière, précise Bertrand Mennecier. À l’inverse, lorsqu’un tel patient se présente, ces derniers ont un accès complet à des modules de formation. »

Ce qui l’a poussé à adopter cet outil ? « L’expérience de patients qui ont arrêté leur traitement ou spontanément baissé les doses (devenues alors suboptimales) en raison d’effets secondaires qu’ils avaient jugé inacceptables mais qu’ils avaient laissé s’installer sans nous contacter, explique le médecin spécialiste. Il y avait ensuite, au moment de la consultation, un rejet complet de ces thérapies et, de fait, une perte de chance pour le patient. » Mais aussi « l’association de la technologie et de l’humain dans la surveillance du patient à domicile » et « ce caractère concomitant de la formation ».

Si, pour l’heure, le caractère récent de la plateforme ne permet pas de recul sur le nombre d’hospitalisations en urgence évitées, d’interactions médicamenteuses dangereuses détectées ou l’amélioration de la survie associée à une meilleure observance, Ako@dom innove dans la prise en charge « afin de favoriser l’efficience et la sécurisation des parcours de soins dans l’intérêt des patients, des professionnels de santé et des institutionnels », se réjouit Laure Guéroult-Accolas, fondatrice de Patients en réseau.

Ako@pro : qualité des soins et auto-évaluation

Dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid-19, Continuum+ a développé Ako@pro, une application qui permet, d’une part, au patient d’évaluer son état de santé et, d’autre part, à l’équipe de soins de disposer de ces données de santé pour assurer le suivi des patients. Chaque semaine, un questionnaire de suivi envoyé au patient lui permet d’évaluer les symptômes liés au traitement ou à la maladie et leur degré de sévérité (faible, modéré ou intense), les paramètres vitaux, la douleur... Du matériel (tensiomètre électronique, thermomètre, oxymètre) peut être mis à disposition par l’oncologue, via la pharmacie d’officine. La solution, construite suivant les recommandations du groupe de travail « Covid-19 et cancers solides » du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), est proposée gracieusement, pendant cette période de confinement, à tous les établissements. 

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