« Les douleurs au moment des règles, c’est normal. » La tradition est tenace, et pour beaucoup encore, dans la population générale comme chez les professionnels de santé, les douleurs menstruelles relèvent au mieux d’une inégalité biologique, au pire d’un trouble de l’ordre de la psychiatrie, et l’endométriose est un mythe. Pour tordre le cou à cette idée, deux patientes ont créé l’association Endomind en 2014. À l’origine de cet engagement, un constat clair : la société ne connaît pas l’endométriose ou ne la prend pas au sérieux. Pour les femmes touchées, ceci se traduit par un délai de diagnostic important (en moyenne de sept ans) responsable d’une aggravation des symptômes et de la progression des lésions.

Endomind s’est donné comme mission de faire connaître la maladie auprès des professionnels de santé et du grand public. Elle organise des conférences, des formations avec la médecine du travail et des journées portes ouvertes dans les hôpitaux afin d’informer les patientes et les professionnels.

Il est aussi nécessaire de sensibiliser le grand public, femmes et hommes. Des concerts, des expositions photo et d’autres événements ponctuels sont autant d’occasions d’attirer l’attention. L’association organise également l’Endorun, une course qui a réuni plus de 2 000 participants en 2019, patientes mais aussi leurs proches, qui se sentent parfois impuissants face à la maladie.

Et puisque la maladie peut se manifester dès la puberté, Endomind a débuté une série d’actions en milieu scolaire. L’objectif : sensibiliser les jeunes filles et les infirmières scolaires aux symptômes et aux possibilités de prise en charge afin de favoriser un diagnostic le plus précoce possible.

Un diagnostic simple

« Cette première mission de communication est en partie remplie, estime Nathalie Clary, présidente de l’association. Mais il y a encore un effort à faire auprès des médecins de premier recours qui ont un rôle primordial à jouer sur le diagnostic. »

Car si l’endométriose est une maladie bien définie, elle est encore mal connue : « C’est une maladie multifactorielle, probablement avec des facteurs environnementaux, mais ce n’est pas une maladie “à la mode” ! », insiste le Dr Érick Petit, radiologue au centre de référence de l’endométriose de l’hôpital Paris Saint-Joseph. Sa prévalence est difficile à estimer. Certaines cohortes montrent que près d’une femme sur quatre pourrait être touchée. En France, entre 2 et 4 millions seraient concernées.

Malheureusement, la prise en charge de l’endométriose ne relève pour le moment que d’un « bruit de fond, souligne Érick Petit. Elle n’est pas inscrite dans le cursus médical. Les internes en entendent parler, mais pas en formation initiale. On commence à former les sages-femmes, qui découvrent la maladie ». « La plupart des infrastructures référentes sont hospitalières, et c’est une erreur, ajoute-t-il. Il est très important de créer un réseau ville-hôpital. » Pourtant, le diagnostic – qui repose sur un questionnaire – est très simple, regrette le radiologue, qui insiste sur le fait que des règles douloureuses doivent toujours être suspectes.

2020 : Un rendez-vous manqué 

Cette année, l’événement phare de l’association, la Marche mondiale pour l’endométriose (Endomarch), prévue le 28 mars, a dû être annulée en raison de l’épidémie de Covid-19. « Pour l’instant, nous ne savons pas encore ce que nous allons faire, confie Nathalie Clary. Il reste encore l’Endorun, prévue pour le 22 novembre. »

Mais si cette annulation est un coup dur pour l’association, sa présidente s’inquiète surtout pour les patientes, livrées à elles-mêmes en cette période de confinement : les consultations spécialisées ont été annulées, alors que les listes d’attente sont déjà extrêmement longues. « Nous tentons d’organiser le réseau pour la téléconsultation, ajoute-t-elle. Les patientes doivent faire face à la question importante de la prise d’anti-inflammatoires, qui fait partie du traitement de la maladie. »

Sur le plus long terme, elle s’inquiète de l’avenir des projets en cours. Le ministère de la Santé devait faire des annonces au mois de mars concernant la construction de filières de soins. Endomind, qui fait partie des acteurs de leur construction, espère que les travaux en cours reprendront là où ils ont été laissés avant la crise liée au coronavirus. « L’Agence régionale de santé a annoncé un report du rendu des appels à projets pour la création des filières, prévu en mars, au 30 septembre prochain, précise Nathalie Clary. Mais avec les événements actuels, nous avons peur que le dossier endométriose soit relégué en dessous de la pile... »

Une maladie bien décrite mais compliquée

L’endométriose est liée à la présence de cellules de l’endomètre à l’extérieur de la cavité utérine. Elles réagissent également aux fluctuations hormonales, sans évacuation possible. La maladie est génétiquement prédéterminée, polygénique, et deux facteurs de risque principaux ont été identifiés : la présence dans la famille proche (mère, sœur) d’une endométriose (risque multiplié par 5) et la précocité des règles. Les cellules forment, à l’endroit où elles se trouvent, des réactions inflammatoires, des nodules, des kystes, voire des lésions des tissus environnants. « Les organes collent », schématise le Dr Érick Petit, radiologue à l’hôpital Paris Saint-Joseph. Deux conséquences majeures : d’une part, la présence de douleurs importantes, notamment au moment des règles. Elles peuvent s’exprimer sous forme de dysménorrhées importantes mais aussi de dyspareunies, de dysuries, de dyschésies et de troubles intestinaux, de douleurs pelviennes chroniques (douleurs aux ovaires, contractions utérines), voire de douleurs scapulaires droites en lien avec une atteinte du nerf phrénique, le tout accompagné d’une asthénie générale. Mais ces lésions sont aussi responsables d’une hypofertilité. « Il est important de la distinguer de la stérilité, mais l’endométriose est la première cause d’infertilité en France », note Érick Petit. La prise en charge passe par une cartographie des lésions par échographie endovaginale et/ou IRM. Ensuite, selon la gravité, le traitement repose sur un « trépied » : une hormonothérapie, la chirurgie dans les formes les plus graves, et un traitement de la douleur (qui s’accompagne d’une prise en charge de la nutrition). « Malheureusement, les douleurs ne sont jamais totalement éradiquées » 

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