En avril dernier, deux signalements ont été adressés à la justice. Le premier, le 7 avril, par la CPAM de Paris, qui indiquait avoir été alertée sur une "suspicion pour fraude". Le second, dix jours plus tard, par les élus du comité social et économique (CSE) de l’association Coordination des œuvres sociales et médicales (Cosem), qui dénonçaient des faits pouvant être qualifiés d'abus de confiance, de prise illégale d'intérêt, d'escroquerie à la Sécurité sociale et de harcèlement moral, rapportait Me Jérôme Karsenti, leur avocat. "En tant qu'avocat des lanceurs d'alerte, je me félicite que le parquet ait ouvert une enquête préliminaire, a-t-il déclaré à l'AFP hier, espérant que "cette enquête sera rapide afin que ces centres de santé Cosem, ayant une histoire ancienne, puissent être sauvés des pratiques prévaricatrices de leurs dirigeants".

Ainsi, une enquête a été ouverte pour faire la lumière sur la gestion financière du Cosem, a annoncé le parquet de Paris, le 9 mai. Si la direction de cette association qui compte 8 centres de santé à Paris et 6 centres en province s’est refusée à tout commentaire, assurant que celle-ci "s'est toujours [conformée] à l'ensemble de ses obligations légales et réglementaires", un porte-parole du Cosem a indiqué à l’AFP qu’il était "normal" que la justice fasse son travail : "Nous répondrons à toutes les questions et nous n'avons rien à cacher" avant de rétorquer que "ceux qui s'avisent de salir notre famille auront également à en répondre".

95.000 euros de notes de frais pour la femme du directeur

Fin 2022, une demande d’augmentation pour compenser l'inflation est formulée par les représentants du personnel du Cosem (2 millions de consultations médicales et dentaires par an, 700 praticiens). Demande refusée par la direction, arguant d'"importants soucis financiers". Interpellés par les nombreux travaux pourtant réalisés dans les centres, les élus demandent à consulter les comptes annuels… et découvrent d'étonnantes notes de frais, s'élevant pour la femme du directeur, "directrice esthétique et communication", à près de 95.000 euros pour la seule année 2021 : 625 euros de caviar, 14 638 euros d'additions au restaurant, 1.397 euros pour un séjour au palace niçois Le Negresco… Au total pour 3 personnes, les frais s'élèvent à plus de 285.000 euros. 

Ils découvrent également qu'une Jaguar avait été achetée par le directeur avec les fonds de l'association, alors qu'elle servirait principalement à son épouse pour ses trajets personnels. Ils soupçonnent d'ailleurs son emploi d'être fictif, tout comme celui de sa belle-fille, responsable de la communication. Ils accusent également le directeur et ses deux fils d'avoir racheté au Cosem la société Eden, qui détient tous les actifs immobiliers, pour un montant de 26 millions d'euros… qu'ils ne devront verser que dans dix ans. 
 

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Créée en 1945, l'association de santé à caractère non lucratif, qui emploie 1 400 salariés et revendique deux millions de consultations médicales et dentaires par an assurées par 700 praticiens, selon son site internet, est financée par des fonds publics, à travers des remboursements de la Sécurité sociale et des subventions. Une structure dirigée par Daniel Dimermanas, directeur général depuis 2010, et ses deux fils, précise l’AFP. "Nous sommes face à une famille qui s'est totalement appropriée les murs et a créé des sociétés satellites" qui puisent dans les finances du Cosem, avait affirmé en avril à l'AFP un élu du CSE sous couvert de l'anonymat.

Les élus du CSE soupçonnent la famille d'appauvrir le Cosem "afin de servir leurs intérêts privés" et redoutent des conséquences sur les emplois. Ils dénoncent des salaires exorbitants versés au père et à ses fils, des emplois fictifs de leurs épouses et des notes de frais disproportionnées – plus de 285.000 euros pour trois personnes en 2021…

Les investigations, révélées par Radio France, ont été confiées à la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE), a confirmé le parquet.

[avec AFP]

 

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