Article initialement publié sur egora.fr

"La médecine est en train de devenir un produit de luxe et nous avons voulu prendre le contre-pied de ce constat", résume Jérémy Renard, co-fondateur du centre de spécialités médicales Odon Vallet. Ce nouveau centre de santé parisien, installé dans le 13e arrondissement, salarie des médecins spécialistes hospitaliers retraités pour offrir aux patients une expertise de second recours, sans dépassements d'honoraires. "Notre centre naît de l’observation d’une aberration : bien que nous manquons de médecins, de nombreux professeurs de médecine se voient contraints de prendre leur retraite, alors même qu’ils souhaitent continuer à exercer. Nous leur proposons aujourd’hui de poursuivre leurs activités, entourés de leurs confrères les plus émérites, dans un environnement particulièrement propice à l’émulation des savoirs, selon leur calendrier et à leur rythme", poursuit-il.

Tout commence il y a plus de cinq ans. Yvon Calmus est alors professeur de médecine émérite, hépato-gastroentérologue à La Pitié-Salpêtrière (AP-HP). "A 68 ans, on lui a dit qu'il était temps de prendre sa retraite. Et on lui a proposé un contrat de consultant junior. Il s'est alors trouvé sans alternative alors qu'il avait envie de continuer à exercer", retrace Jérémy Renard. "Je suis parti, mais si j'avais pu, je serais resté. Je ne sais faire que ça. On fait ce travail pour être utile. C'est ballot de se dire qu'à partir d'un certain âge, on va faire de la pêche à la ligne", commente le professeur de médecine.  

"Une perte de matière grise"

Avec Dipak Mandjee, gynécologue-obstétricien et président d'un organisme de formation médicale, les trois hommes entament "un parcours du combattant" pour faire naître un centre de santé salariant des médecins hospitaliers retraités. "Nous avons fait le constat que beaucoup de professeurs des universités et praticiens hospitaliers (PU-PH) partent à la retraite décontenancés et sans projet précis. C'est une perte de matière grise, alors que l'on nous parle sans cesse de déserts médicaux", estime Yvon Calmus. Le praticien réalise alors une enquête auprès d'une centaine de confrères proches du départ à la retraite. Et le bilan est sans appel : 80% des praticiens souhaitaient poursuivre une activité, mais "pas à temps plein, ni à l'hôpital public qui est devenu une usine à gaz infréquentable", rapporte l'hépato-gastroentérologue. 

L'idée germe alors dans la tête des trois hommes, mais ils y ajoutent une précision. "Notre première préoccupation était d'ouvrir un centre en secteur 1. C'était un peu notre ADN. Nous ne voulions pas faire du fric mais ouvrir un centre pour le public et compenser le manque de spécialistes en faisant travailler la matière grise", rembobine Yvon Calmus. "En 2020, nous avions 80 médecins prêts à démarrer. Nous cherchions juste des locaux", se souvient Jérémy Renard.

Avec Dipak Mandjee et Yvon Calmus, ils partent donc "à la chasse aux sous" pour lancer leur projet. "En cinq ans, on s'est pris tellement de portes que l'on a failli abandonner", se souvient Jérémy Renard. Problème : leur concept ne rentre dans "aucune case". "Nous voulions lancer un centre de santé en secteur 1, mais nous n'avions que des PU-PH. Or, les médecins généralistes sont les pivots des centres de santé..."  Pendant deux ans, les discussions avec la mairie de Paris, la région Ile-de-France et l'ARS piétinent à cause du Covid. "Finalement, nous avons tout fait par nous-mêmes", résume l'entrepreneur. Les trois hommes finissent toutefois par obtenir des subventions pour financer leur initiative. La région Ile-de-France leur offre 100 000 euros et la ville de Paris 180 000 euros. C'est finalement Odon Vallet qui sera leur principal donateur…

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