Pouvez-vous résumer le problème dénoncé par OO7 ?

Laurence Demougin :
Nous disposons en France d’un système de soins doté d’un niveau de compétences très élevé, avec des professionnels de santé de haut niveau, notamment dans la prise en charge des maladies rares. En parallèle, la situation est complexe pour les laboratoires pharmaceutiques émergentes et innovantes, travaillant notamment dans le domaine des maladies rares. Les délais d’accès au marché sont beaucoup trop longs. C’est ce que nous qualifions de « vallée de la mort ». Contrairement aux grands laboratoires, qui détiennent dans leur portefeuille un nombre élevé de thérapeutiques leur permettant d’absorber ces délais de mise à disposition des médicaments, les plus petites entreprises ne disposent pas de cette latitude car généralement elles ne développent qu’un seul produit et sont donc fragiles économiquement.


Laurence Undreiner : Les délais entre la fin des phases de recherche, l’obtention des autorisations, la fixation des prix et le moment où les entreprises peuvent disposer de revenus stables, peuvent être très longs. Certes, pour certains médicaments, nous pouvons bénéficier d’un accès précoce. Ce processus a d’ailleurs une valeur ajoutée indéniable puisqu’il permet de générer des revenus et de motiver les investisseurs à poursuivre.

Le problème repose davantage sur les délais de fixation des prix ou sur les tarifs en tant que tels ?

L.D. :
Les deux ! Le vrai problème, c’est la durée des discussions pour aboutir à une fixation des prix. Le process en France devrait durer, d’après une directive européenne, 180 jours. Mais dans les faits, nous sommes proches des 500 jours. Il y a plusieurs phases, notamment une évaluation par la commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS), qui définit une partie de la valeur du produit, puis un processus itératif d’aller-retour avec le Comité économique des produits de santé (CEPS). L’autre enjeu est celui de la profondeur de la « vallée de la mort ». Car en France, le système de fixation des prix est très contraignant et conduit à des prix nets parmi les plus bas de l’échelle européenne. Ce n’est pas très motivant pour les maisons mères.

Le modèle n’est donc pas adapté à vos laboratoires ?

L.U. : Loin de là ! Le point commun de nos entreprises au sein de OO7 est leur fragilité économique. Nous portons des innovations mais nos portefeuilles sont limités. En raison de son fonctionnement, la France est de moins en moins incitative pour l’implantation de filiales sur le territoire. Les biotech hésitent à s’installer. C’est donc tout un écosystème qui n’est pas dynamisé. Pourtant, elles sont créatrices d’emplois, sollicitent des sociétés de consulting, activent la recherche, créent des liens. Au-delà du bénéfice clinique, les retombées pourraient être très importantes pour l’économie du pays. C’est d’autant plus important que finalement, c’est le patient qui en pâtit, en n’ayant pas accès aux médicaments innovants.

Concrètement, que souhaitez-vous ?

L.D. : Nous avons identifié quatre axes (quatre A), pour un meilleur déploiement de nos entreprises. Nous avons tout d’abord une volonté d’Alliance pour trouver des solutions avec nos interlocuteurs, avec l’Etat, afin de ne plus subir une politique top-down, qui ne tient pas compte de nos spécificités. Nous souhaiterions également que la France devienne Attractive. Le pays a tout intérêt à faire venir des investisseurs. Nous représentons une valeur ajoutée mais encore faut-il mettre en place des processus attractifs. Pour garantir cette attractivité, il faut s’Adapter à la particularité de nos entreprises, donc allouer des fonds pour construire un environnement favorable. Enfin, nous plaidons pour une Accélération car les délais sont tellement longs que le risque pour les entreprises de ne pas sortir de la « vallée de la mort » est très important. L’ensemble des conditions doivent être favorables et si nous travaillons dans un esprit d’alliance, nous avancerons dans un sens vertueux.

L.U. : Nous souhaitons que les tutelles tiennent compte de nos différences par rapport aux grands groupes, par l’intermédiaire de la création d’un label par exemple, qui pourrait éventuellement être attribué par l’Agence de l’innovation en santé (AIS). Identifier nos spécificités, valoriser différemment nos thérapeutiques, et obtenir cette reconnaissance par le CEPS serait déjà une étape déterminante. Nous avons d’ailleurs prévu de rencontrer les autorités. Nous avons des pistes concrètes et nous sommes prêts à travailler ensemble sur cette base.
 

FOCUS

"Un changement de regard global"

Dans le rapport du think-tank, créé à l’initiative de Nile et composé de huit entreprises pharmaceutiques innovantes et émergentes, Orphan Organisation 7 (OO7) appelle le gouvernement et l’Agence de l’innovation en santé à mettre en place un modèle "4A" : une Alliance pour une Attractivité Adaptée et Accélérée. Soit, une vraie Alliance entre les pouvoirs publics et les entreprises par la reconnaissance des spécificités et de la création de valeurs portées par les entreprises pharmaceutiques émergentes ; la garantie d’une Attractivité de la France en matière pharmaceutique, permettant la mise à disposition pérenne des thérapies innovantes au bénéfice des malades ; une Adaptation des dispositifs aux spécificités de ces entreprises, prenant en compte les externalités positives des entreprises émergentes et innovantes en France ; et l’Accélération des délais de mise à disposition des thérapies innovantes. Lors d’un point presse organisé le 31 janvier dernier, les membres de l’organisation ont partagé leur « fragilité » économique, notamment durant « la vallée de la mort ».

 

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