De la "fierté" et de "l’émotion". C’est ce qu’a ressenti Laurence Spiesser-Robelet le 21 novembre. Cette docteure en pharmacie, maître de conférences des universités-praticien hospitalier au CHU d’Angers*, a reçu des mains de Carine Wolf-Thal, la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, le prix 2022 de l’institution. Un prix qui valorise des travaux ou des actions marquantes ayant contribué à renforcer le rôle du pharmacien dans la protection de la santé publique. Laurence Spiesser-Robelet s’est démarquée pour avoir "conçu et mis en place un dispositif territorial ville-hôpital de pharmacie clinique visant à sécuriser la prise en charge médicamenteuse des patients âgés sur le territoire du GHT 49". Mais si elle en est la responsable, elle souligne qu’il est le fruit d’un "travail collectif" et "de longue haleine", qu’elle a "pu penser, initier, grâce à l’envie, à la volonté, à la détermination de l’ensemble des pharmaciens du Maine-et-Loire d’avancer ensemble dans nos missions de service auprès de nos patients".

Tout a commencé en 2018, dans la lignée de l’émergence du GHT, retrace Laurence Spiesser-Robelet. Progressivement, les pharmaciens du groupement nourrissent le désir de "travailler ensemble" avec les officinaux afin de "développer une politique commune de pharmacie clinique" sur le territoire. Ce qui suppose de dompter les difficultés de transmission des données médicamenteuses, et de troquer le fax et le téléphone contre une plateforme numérique sécurisée pour réaliser la conciliation médicamenteuse.

Germe ainsi l’idée de créer un réseau territorial – dont la toile sera soigneusement filée par le pharmacien Jean-Louis Laffilhe, coordonnateur –, permettant aux professionnels de santé d’échanger, de façon simple et sécurisée, sur le suivi individualisé des patients de 65 ans et polymédiqués. Ce qui deviendra réalité grâce à la plateforme numérique Hospiville, développée par MaPui Labs. Initié en septembre 2020, le projet est alors devenu une expérimentation, financée pour trois ans par l’ARS sur fonds FIR. Objectif : faciliter la conciliation médicamenteuse aux moments charnières. Ainsi, à l’entrée à l’hôpital, le personnel renseigne sur Hospiville l’officine référente qui, informée de l’hospitalisation, peut transmettre les ordonnances. À la sortie de l’hôpital, l’officine est avertie et peut accéder au bilan signalant et justifiant les changements portés au traitement.

À ce stade, l’ambition est de susciter l’interpro au service du suivi médicamenteux, explique la pharmacienne : réalisation des bilans partagés de médication à l’officine, implication des médecins traitants via les lettres de liaison, transmission du bilan de sortie aux infirmiers libéraux, intégration des pharmaciens au Prado des personnes âgées.

 

Bientôt les Idel et les médecins traitants ?

Le GHT travaille à mesurer l’impact clinique du dispositif : il va analyser les prescriptions de 1 050 patients, voir "ce qui a été modifié, les divergences, les médicaments potentiellement inappropriés, comment les prescriptions évoluent après la sortie d’hospitalisation". Une seule enquête, officinale, a jusque-là été réalisée, il y a presque un an, avec des résultats enthousiasmants pour le dispositif, rappelle Laurence Spiesser-Robelet : il était vu comme facilitant les sorties d’hospitalisation, l’information et l’éducation thérapeutique du patient, les liens avec les médecins prescripteurs et les infirmières.

Lors de la 34e Journée de l’Ordre des pharmaciens, Carine Wolf-Thal a souligné l’adhésion suscitée par le dispositif : "Vous avez su mobiliser la quasi-totalité des pharmaciens des établissements bien sûr, mais aussi des officines du Maine-et-Loire, sans oublier les étudiants, grâce à un partenariat avec la fac d’Angers". Aujourd’hui, 212 officines sur les 234 du département participent activement, se réjouit Laurence Spiesser-Robelet, et "4 300 patients" ont déjà bénéficié de ce suivi individuel. "Un de nos objectifs est quasiment atteint, se félicite-t-elle. Nous avons un maillage territorial, un réseau entre professionnels de santé". Elle espère le "pérenniser". Et "élargir son périmètre" : des "hôpitaux limitrophes, qui travaillent beaucoup avec le CHU d’Angers et les hôpitaux du Maine-et-Loire, souhaiteraient pouvoir aussi bénéficier du dispositif", illustre-t-elle. "Et pourquoi ne pas impliquer encore plus le réseau des infirmières libérales ? Les médecins traitants ?, soulève-t-elle. Cela fait partie de nos objectifs, pour un vrai partage avec l’ensemble des soins primaires".

 

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