Article publié dans Concours pluripro, mars 2023
 

C'est un état des lieux qui dresse un triste constat : sur les 19 communes que couvre la CPTS Strasbourg Eurométropole Sud et Ouest (Grand Est), seules 2 (Illkirch-Graffenstaden et Lingolsheim) comptent des médecins spécialistes libéraux… soit 52 praticiens (Spécialités : allergologie, cardiologie et médecine vasculaire, chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, dermatologie-vénéréologie, gastroentérologie et hépatologie, gynécologie médicale, gynécologie obstétrique, médecine et santé au travail, neurologie, ophtalmologie, ORL et chirurgie cervico-faciale, pédiatrie, pneumologie, psychiatrie, radiologie et imagerie médicale et rhumatologie) pour environ 110 711 habitants, répartis de façon très inégale tant géographiquement – 8 à Lingolsheim et 44 à Illkirch-Graffenstaden – que par spécialité : une large majorité de radiodiagnostic et d'imagerie médicale, mais seulement deux gynécologues et deux pédiatres et un seul rhumatologue, un seul médecin au travail, un seul allergologue…

"On est un peu tributaire de l'organisation des soins sur le territoire, avoue Yannick Schmitt, médecin généraliste à la MSP de Lingolsheim et président de la CPTS Strasbourg Eurométropole Sud et Ouest. Car Strasbourg est une grande ville très attractive alors que les territoires de la CPTS couvrent la première et la deuxième couronnes. On compte aussi plusieurs médecins spécialistes qui sont proches de la retraite et, souvent, on est confrontés à des départs sans remplacement, sans succession ou reprise des cabinets. Résultat : on a une offre de certaines spécialités qui est fortement réduite ou qui a totalement disparu. Et on sent bien que c'est un phénomène qui va s'amplifier dans les mois et années à venir…"

C'est donc pour avoir un regard "un peu éclairé" sur l'accès aux soins spécialisés et plus largement sur l'offre de soins sur le territoire que la CPTS a lancé cet état des lieux : "L'idée est aussi de tenter de pallier cette situation et ne pas se retrouver dans cinq ans sans spécialistes, sachant qu'on n'en compte qu'une cinquantaine aujourd'hui…"
 

 

-10,68 % de libéraux, +11,68 % de salariés

Dans le Bas-Rhin, la moyenne d'âge des médecins spécialistes tous modes d'exercice confondus est de 49,3 ans (une moyenne régionale qui a baissé de 0,8 % en dix ans, note la CPTS) : 28 % ont plus de 59 ans et 15 % ont entre 30 et 34 ans. Sur les territoires couverts par la CPTS, 42 % des spécialistes ont plus de 60 ans… En observant la moyenne pour les spécialistes libéraux, l'âge moyen dans le Bas-Rhin est de 52,9 ans (contre 53,9 ans au niveau national) et l'âge moyen de départ à la retraite est de 69,8 ans. Si la gynécologie médicale compte les moyennes d'âge les plus élevées tant à l'échelle nationale que régionale, c'est la pneumologie et la psychiatre qui arrivent dans le trio de tête dans le Bas-Rhin (médecine du travail et psychiatrie au national). Soit les trois spécialités qui devraient manquer le plus rapidement de bras…
 

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Entre 2010 et 2020, le choix de mode d'exercice des nouveaux médecins a évolué en faveur du salariat (-10,68 % de libéraux et +11,68 % de salariés). En témoigne également un sondage réalisé auprès des internes : si près de 30 % envisagent un exercice mixte, près de 20 % considèrent le salariat, mais à peine 5 % opteraient pour un exercice libéral exclusif. "L'un des problèmes qu'on voulait porter également à travers cet état des lieux, c'est l'hyperspécialisation des médecins spécialistes. Par exemple, les pédiatres sont contraints de choisir une surspécialité – la pédiatrie générale n'existe plus. Donc typiquement, un gastropédiatre ne choisira pas de s'installer en ville mais optera pour le plateau technique hospitalier…"

La population de la CPTS comprend 26,4 % de patients âgés de plus de 60 ans (la moyenne nationale étant de 25,8 %) et 17 % de moins de 15 ans. La moyenne d'âge est plus élevée sur les communes d'Achenheim, Blaesheim et Oberschaeffolsheim. L'étude révèle également que les communes qui nécessitent le plus de soins spécialisés – en raison de l'âge des habitants, de la proportion de personnes en ALD ou de bénéficiaires de médecins spécialistes – font partie de celles qui sont le plus isolées en termes de distance : un patient doit ainsi parcourir près de 15 km en moyenne pour consulter un stomatologue ou un pneumologue. "On se rend compte d'une certaine inégalité territoriale au sein des 19 communes de la CPTS. L'âge avancé des médecins spécialistes, la disparité géographique de leur lieu d'exercice ou encore l'absence de certaines spécialités sont tant d'éléments à prendre en compte et à corriger pour satisfaire encore davantage les besoins en soins de second recours des habitants du territoire", note l'étude.

Satisfaire les besoins en soins mais aussi répondre à un enjeu d'attractivité, ajoute Yannick Schmitt : "Cette question se pose évidemment parce qu'on voit bien que les spécialistes s'installent à Strasbourg, à 2-3 km, mais pas sur le territoire de la CPTS… Et si on veut mettre en place une politique d'attractivité avec les collectivités, il faut connaître les facteurs d'attractivité et voir comment on peut agir dessus. Mais aussi aller interroger les médecins spécialistes des première et deuxième couronnes pour recueillir leur vécu de cette situation et comprendre les déterminants qu'on pourrait actionner pour favoriser leur succession."

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