D’après la conférence du Dr Michel Varroud-Vial*, et du Pr Antoine Tesnière**, lors du cycle 2019 de la Chaire Santé de Sciences-Po « Des outils pour faire évoluer le système de santé »

« La loi ne s’opposait pas de principe à ce que les infirmières en pratique avancée puissent prendre en charge les patients en première intention, pourvu que ce soit dans le cadre d’une équipe de soins coordonnée par un médecin. » Le Dr Michel Varroud-Vial, conseiller soins primaires et professionnels libéraux à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), aurait aimé aller plus loin dans les missions confiées aux IPA. Mais des compromis étaient nécessaires pour prendre en compte les réticences des médecins comme des infirmiers. Malgré ceux-ci, l’avenant 7 à la convention nationale n’a été signé que par deux des trois syndicats représentatifs d’infirmiers. Le cadre règlementaire est « en équilibre », souligne le médecin.

Ce mouvement de transfert d’activités de soins et de prévention est en accord avec une vision plus moderne de la médecine. Les IPA sont un levier pour faire face à une démographie médicale en tension, pour favoriser le lien entre la ville et l’hôpital, et pourront exercer utilement dans le cadre des CPTS en construction. Elles sont aussi un moyen pour rendre de l’attractivité aux infirmières intéressées par plus de missions, et aux médecins qui pourront regagner du temps médical. 

Une autonomie d’exercice au sein d’équipes de soins

Dans les grandes lignes règlementaires, les IPA interviendront en soins primaires ou en établissements de santé, au sein d’équipes coordonnées par des médecins, ou encore en assistance d’un médecin spécialiste. Elles pourront exercer dans cinq domaines : les pathologies chroniques stabilisées (dont AVC, diabète, Alzheimer, etc.), l’oncologie et l’hémato-oncologie, les maladies rénales chroniques, la psychiatrie, et les services d’urgences (à partir de 2020).

Les IPA pourront renouveler et adapter des traitements, mais pas prescrire en première intention. De manière générale, elles n’auront pas la responsabilité de prendre en charge en première ligne, mais pourront effectuer le suivi des patients confiés par un médecin, avec un accès au dossier médical. Un point important : leur autonomie de décision. Ainsi, le retour vers le médecin, lorsque la situation dépasse leur compétence, sera laissé à leur évaluation – avec les conséquences sur la responsabilité professionnelle que ces engagements impliquent.

Les études sur les pratiques mises en place à l’étranger (depuis plus de 50 ans aux États-Unis !) apportent des gages. La littérature scientifique sur le sujet confirme l’intérêt des IPA, souligne le Pr Antoine Tesnière, conseiller santé auprès du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Elle tend à montrer une qualité des soins équivalente pour la prise en charge entre médecins et IPA, une réduction du taux d’admissions à l’hôpital et une augmentation de la satisfaction des patients.

Pas d’IPA sans formation

Mais pour garantir ces bénéfices, insiste Antoine Tesnière, une formation adaptée est indispensable. En France, les IPA peuvent exercer à l’issue d’une formation supplémentaire de deux ans : un diplôme d’État de grade master, ouvert en formation initiale ou continue dans un très grand nombre d’universités françaises, avec une sélection sur dossier.

Au cours de la première année, les IPA suivent les enseignements d’un tronc commun dont, en particulier, une unité d’enseignement (UE) clinique souvent commune à d’autres filières dans les facultés de santé. On retrouve donc (enfin) médecins et infirmières en cours, ensemble. Ce n’est qu’en deuxième année que les IPA en formation choisissent leur enseignement spécifique. Enfin, éléments fondamentaux de la formation : deux stages pratiques de deux et quatre mois.

Deuxième condition fixée par les textes pour exercer comme IPA : justifier de trois ans d’expérience. Pour une infirmière suivant les cinq années de formation à la suite, il lui faudra donc pratiquer trois années avant de pouvoir prétendre à un poste d’IPA. Une condition qui sera certainement à revoir.

La mise au point de la formule française de l’IPA n’est pas encore parfaite. Alors que de nouveaux champs d’intervention sont à l’étude, des points de tension demeurent. Il faudra, pour l’installer dans le paysage sanitaire, convaincre que le métier n’est pas une concurrence aux médecins et qu’il a une place complémentaire dans notre système de santé, toujours dans l’intérêt des patients. Il faudra aussi s’assurer d’un retour d’expérience du terrain pour améliorer le dispositif, et éviter les régulations trop rigides.

Le modèle économique est une des conditions de l’attractivité. Il sera sans doute amené à évoluer. L’adoption de l’avenant 7 fournit néanmoins un cadre à la rémunération en exercice libéral et représente une avancée très significative, estime Michel Varroud-Vial. « L’équilibre est encore instable, mais on peut tomber du bon côté ! », conclut-il.   

*conseiller soins primaires et professionnels libéraux à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS)

**conseiller santé auprès du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation,

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