Article paru dans Concours pluripro, octobre 2023
 

C’est pour ouvrir "la boîte noire de la concertation pluriprofessionnelle" que François-Xavier Schweyer, professeur de sociologie à l’EHESP et chercheur au centre Maurice-Halbwachs, a coordonné le projet de recherche Concert-MSP*, lancé en mars 2020. Comment se déroulent les concertations pluriprofessionnelles en maison de santé et quel est leur impact sur l’organisation des soins ? Autant de questions posées à 10 MSP réparties sur l’ensemble du territoire par une équipe pluridisciplinaire (sociologues, médecins généralistes, géographes) dans le cadre de cette enquête qui livre ses premiers résultats, en exclusivité pour Concours pluripro.

Pour rappel, depuis 2017, l’exercice coordonné au sein des MSP peut être financé par l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) en fonction de critères "socles" ou optionnels portant sur trois axes : accès aux soins, système d’information partagé et travail en équipe. Intégré à ce dernier axe, la coordination des soins se fonde sur trois critères : fonction de coordination, protocoles pluriprofessionnels et réunions de concertation pluriprofessionnelle (CPP). En effet, l’équipe doit organiser au moins six réunions de CPP par an, définir la prise en charge des patients et sa mise en oeuvre, intégrer le compte-rendu de réunion au dossier informatisé et traiter un nombre de cas au moins égal à 5 % de la file patients médecin traitant
de 75 ans et plus et/ou en affection longue durée.
 

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À partir des déclarations faites à l’ACI, l’enquête a analysé cette CPP développée par les équipes en MSP, "fondamentalement différente du modèle des RCP hospitalières et dont la pratique reste marginale dans la culture libérale, explique François-Xavier Schweyer. Il n’y a pas de données sur l’activité de CPP dans les maisons de santé, mais on sait que l’hétérogénéité des pratiques y est forte."

Deux hypothèses ont guidé cette étude : les MSP s’inscrivent dans une démarche d’amélioration de la qualité des soins, et c’est un processus par lequel l’équipe de soins primaires se développe et se renforce. L’enquête a interrogé 10 MSP (voir ci-dessous) et analysé 1 733 situations de patients ayant fait
l’objet d’une CPP en 2018 et 2019 au sein de 8 structures. La situation clinique discutée lors de la concertation a été renseignée dans 1 575 comptes-rendus à partir d’une classification internationale (CISP 3). Les principaux champs qui s’en dégagent sont "pathologie d’organe" (27,2%), "santé mentale et cognition" (17,1%), "problème social" (15,8%) et "incapacité fonctionnelle" (11,6%).

Problèmes cutanés, gyéncos et socio-environnementaux

Des spécificités ont été identifiées dans certaines maisons de santé, en lien avec les caractéristiques de leur population et de leur territoire, les thématiques ou l’existence de partenariats. Par exemple, une MSP enquêtée a rencontré plusieurs situations en lien avec des problèmes cutanés (29,1%), mobilisant le duo médecin-infirmière autour des situations de plaies chroniques, alors qu’une autre a eu affaire à des pathologies d’organe (18,3%) ou de gynécologie/périnatalité (15,9%). Cela, en raison de "réunions entre médecins généralistes uniquement, d’une part, et de réunions thématisées avec des partenaires du domaine de la périnatalité, d’autre part", précisent les Dres Aline Ramond-Roquin et Laure Fiquet. Deux autres MSP ont, elles, une part importante de leur activité de concertation orientée vers des dimensions sociales et fonctionnelles : "problème socio-environnemental" (25,6%) et "environnement" (15,4%) pour l’une ; "vie quotidienne" (16,9%) et "mobilité" (15,6%) pour l’autre. Elles présentent toutes deux des caractéristiques assez similaires : des situations concernant très majoritairement des personnes âgées ; et une forte implication des infirmières dans leurs activités de CPP (participantes quasi systématiques, organisatrices des réunions et/ou responsables de la présentation des dossiers).
Enfin, une autre MSP présente un profil atypique, avec notamment 11,2% de situations liées à des problèmes socio-familiaux (contre 4,7% dans l’ensemble du corpus). Ce qui peut être expliqué par le profil des patients qui ont fait l’objet de concertation : une MSP sur-représentant des personnes d’âge intermédiaire et sans activité professionnelle, et implantée dans un territoire caractérisé par des problématiques de précarité sociale.

Enfin, l’intégration des patients aux CPP n’est renseignée que dans 41% des comptes-rendus. Ceux-ci montrent que les patients ont été informés de la CPP dans la moitié des cas environ (53,8%) et que leur participation était très exceptionnelle (1%, soit 14 patients seulement).

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