Article publié dans Concours pluripro, avril 2023

Actuellement dégradé, l'accès aux soins n'affichera des perspectives plus optimistes que d'ici dix à quinze ans, période pendant laquelle le nombre de médecins généralistes devrait de nouveau être en phase avec la demande en soins… Mais les demandes étant immédiates, les soins primaires doivent repenser leur organisation, "travailler notamment sur les liens avec la médecine spécialisée de deuxième recours, les liens ville-hôpital et ceux avec le secteur médico-social", rappelle Luc Duquesnel, médecin généraliste au Pôle de santé de Mayenne et président des Généralistes-CSMF. Et les professionnels de santé ont plus d'un atout dans leur manche… Car dans les territoires où la démographie est la plus faible, les acteurs se sont réorganisés de longue date – par exemple, avec la permanence des soins ou le développement de maisons de santé et des communautés professionnelles territoriales de santé – pour avoir davantage de coordination et répondre aux besoins de santé de la population. Des initiatives dont les tutelles doivent tenir compte, estiment les acteurs de terrain.

C'est d'ailleurs ce que les syndicats médicaux reprochent au texte de loi de la députée Stéphanie Rist. "Nous avons l'impression que les élus ayant travaillé sur ce texte ne sont pas allés voir sur le terrain les solutions déjà déployées par les professionnels", regrette Luc Duquesnel. À l'instar des nouvelles organisations nées pendant la crise sanitaire entre les médecins généralistes et les infirmières, "sans avoir eu besoin d'un texte ruisselant de Paris", souligne le généraliste, se réjouissant de cet exemple de flexibilité et d'agilité des professionnels de santé.

Pour autant, aujourd'hui, face à la demande de soins en constante augmentation, les professionnels de santé sont en souffrance et abandonnent la médecine ambulatoire, s'orientent vers l'exercice salarié en centres de santé ou vers les centres de soins non programmés (CSNP), "contribuant à aggraver l'accès aux soins", dénonce-t-il.

 

Avant tout, la coordination !

Face à ce constat, l'évolution des compétences et des métiers est-elle nécessaire pour libérer du temps médical ? Pour les syndicats représentatifs des médecins libéraux, la priorité repose avant tout sur la coordination. "Aujourd'hui, l'évolution des compétences coince, notamment parce qu'il y a beaucoup de confusion, ce qui rend impossible l'organisation du travail en équipe, estime Agnès Giannotti, présidente de MG France. Il ne faut pas tout mélanger. Le travail en interprofessionnalité au bénéfice des professionnels et des patients ne fait pas gagner du temps médical, c'est un mythe. Ce qui fait gagner du temps au médecin, c'est l'équipe rapprochée avec laquelle il travaille en proche coordination, à savoir l'infirmière Asalée, l'infirmière en pratique avancée (IPA) ou encore l'assistant médical." D'ailleurs, estime Luc Duquesnel, il est nécessaire de renforcer la place des assistants médicaux dans les cabinets "car les médecins travaillant avec eux prennent 10 à 15 % de patients en plus", fait-il savoir. Aujourd'hui, on en compte 2 500. Ce qui bloque ? La gestion des ressources humaines et l'adaptation architecturale des locaux, nous explique-t-on…

C'est donc à cette échelle que la coordination de proximité doit être renforcée. "L'ambiguïté est de mélanger les différents niveaux de coordination, ajoute Agnès Giannotti. Bien sûr qu'il faut s'organiser au niveau des CPTS, mais cela ne veut pas dire pour autant que nous allons prendre en charge conjointement un patient."

Un point de vue qu'elle soutient également vis-à-vis des IPA, dont le déploiement implique, selon elle, une proximité "très forte" avec les médecins généralistes, "car l'accès direct sans coordination peut conduire à une rivalité entre les professionnels. Or justement, à l'échelle des CPTS, il n'y a pas de coordination des effecteurs des soins, de logiciels communs, contrairement à l'échelon des MSP, des centres de santé et des équipes de soins primaires".

RETOUR HAUT DE PAGE