J. J. C
J. J. C

Quelle place occupent les centres de santé dans la réflexion territoriale ?

Jean-Jacques Coiplet : Depuis la mise en place des projets régionaux de santé, les centres de santé représentent une offre de soins de proximité à part entière. Nous avons souhaité la création de ces centres dans une réflexion de territoire, considérant que c’est une offre complémentaire qui contribue à encourager l’exercice coordonné des professionnels de santé. Nous veillons à ce que cette offre salariée soit proposée en bonne intelligence avec l’offre libérale, et qu’elle ne soit, en aucun cas, concurrentielle. Quelle que soit son origine, elle doit s’appuyer sur un projet de santé que nous examinons et validons, afin que les centres de santé ne soient pas seulement perçus comme une forme d’opportunité ou d’effet conjoncturel à un problème d’accès aux soins. Pour que les différentes offres soient bien complémentaires, on veille à ce que les centres de santé soient associés à l’élaboration des projets de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) créées par des libéraux. C’est de plus en plus le cas. À l’inverse, lorsque nous examinons les projets de santé, nous veillons à ce que l’ensemble de l’écosystème soit informé et associé, afin que la structure s’inscrive bien dans la dynamique territoriale.

 

Stéphane Le Foll
S. L. Foll

Stéphane Le Foll : Le centre municipal de santé (CMS) que nous avons créé en 2018 a répondu à un objectif : trouver une solution à une pénurie médicale qui touchait en particulier les quartiers sud du Mans (politique de la ville). Au bout de deux ans, nous avons une équipe de médecins pleinement opérationnelle. On va atteindre les 4 ou 5 ETP qui garantissent pratiquement l’équilibre économique (autour de 540  000 euros de fonctionnement). Le CMS s’inscrit donc dans cette stratégie de trouver les voies et moyens d’intéresser des médecins à s’installer au Mans. Il sera complété par une stratégie de maisons pluriprofessionnelles de santé, avec trois projets qui associent médecins, infirmières et pharmaciens, et par une stratégie d’implantation plus ambitieuse et transversale sur la question du gain en temps médical (recours aux assistants médicaux, aux infirmières de pratique avancée et à la télémédecine…).

Quels sont les liens de l’ARS avec une collectivité qui veut monter un projet de centre de santé ?

J.-J. C. : La collectivité locale doit s’assurer que des professionnels de santé seront moteurs et partenaires. Nous utilisons beaucoup la contractualisation, en particulier par le biais des contrats locaux de santé, à l’échelle intercommunale. On invite enfin à ce que les modèles de gouvernance soient à l’échelle territoriale et intègrent l’ensemble des experts. Il peut y avoir une forme d’urgence à répondre à la population. Aller vite, c’est bien, mais répondre dans la précipitation, c’est moins bien, surtout si le projet n’est pas construit dans une visée partenariale et élargie à l’ensemble du territoire. Nous sommes en ce sens très attentifs au modèle médico-économique. Certains centres de santé peuvent en effet être très vite déficitaires parce que les dépenses engagées ne sont pas équilibrées par les recettes dégagées. Est-ce que la puissance publique se doit de compenser des projets qui, dès le départ, ne sont pas équilibrés ? Les centres de santé ont aussi un devoir d’efficience et d’équilibre médico-économique.

En quoi sont-ils un outil au service des politiques de santé des collectivités territoriales en termes d’accès aux soins, de prévention et de santé publique ?

S. Le F. : Plus de 4 000 Mancelles et Manceaux sont des patients du centre de santé, qui comble un vide. La politique de prévention doit venir maintenant en plus, mais l’objectif premier était de répondre à un besoin immédiat. Les grands axes, on les connaît : prévention des maladies chroniques, sport et santé, alimentation, dépistage du cancer…

J.-J. C. : Nous considérons que ces projets doivent être soutenus s’ils sont dans cette dynamique d’améliorer l’accès aux soins, avec ce devoir d’efficience, de mutualisation et de travail partenarial. L’ARS apporte son aide pour le recrutement des médecins salariés dans les territoires les plus fragiles, l’écriture du projet de santé et l’intégration d’actions de prévention ou d’éducation thérapeutique, axe majeur de l’activité des centres de santé. Sur la prévention, nous essayons d’élargir notre politique à une politique d’ordre territorial. Bien sûr, le centre de santé – comme l’hôpital, les acteurs du médico-social, l’exercice coordonné de type MSP ou CPTS – a vocation à porter ces projets, mais nous veillons à ce que les acteurs puissent porter ensemble ces projets à l’échelle d’une intercommunalité ou d’un département.

Quels sont les ingrédients d’une bonne relation entre les élus, l’ARS et les professionnels de santé ? Et au contraire, qu’est-ce qui peut créer des tensions ?

J.-J. C. : Un projet qui arrive trop vite, qui n’a pas été compris ou accepté par les médecins libéraux du secteur et/ou qui a un modèle médico-économique fragile est un frein à son développement. Les clés de la réussite sont une approche désormais intercommunale plutôt que communale. Je ne signe d’ailleurs plus de contrat local à l’échelle d’une seule commune. Il peut aussi parfois y avoir des collectivités locales et des ARS qui ne se parlent pas, ou pas assez, et là il faut trouver toutes les voies possibles de la rencontre ou de l’échange. Mais dans les Pays de la Loire, les partenaires se connaissent et travaillent ensemble. Nous avons mis en place 25 animateurs territoriaux de santé (pour 28 infra-territoires), des sous-préfets sanitaires… L’objectif est que, d’ici à fin 2022, l’ensemble des Pays de la Loire soit couvert par un contrat local de santé. Demain, il faut de plus en plus faire tomber les frontières, car on peut très bien avoir un professionnel de santé qui exerce en partie en centre de santé et en partie à l’hôpital. Cet exercice mixte, souple et en passerelle me semble une des voies à accompagner et à développer.

S. Le F. : Nous essayons d’entretenir les relations de manière à être à l’écoute et en dialogue avec tout le monde, dont l’ARS, mais aussi avec le centre hospitalier du Mans dans le cadre du groupement hospitalier de territoire (GHT) et la médecine libérale. Le problème des élus aujourd’hui, c’est que la compétence santé, ils l’exercent depuis près de dix ans sans qu’elle leur soit clairement et officiellement dévolue. On est obligé d’inventer des politiques nouvelles pour permettre cet accès aux soins, et les centres de santé font partie de cette politique globale et complémentaire. Aujourd’hui, le regard que l’on peut porter sur les centres de santé a changé parce que l’organisation de la médecine de demain a changé. Cela répond à un besoin et offre une solution à un problème de désertification et de démographie médicale. La question de la médecine, il faut arrêter de la prendre petit bout par petit bout ! Nous cherchons à développer la complémentarité et la cohérence de différentes options pour assurer le maximum de couverture médicale. On a besoin de créer des dynamiques collectives ! Les centres de santé sont des éléments structurants, avec d’autres, d’une politique nouvelle de santé, parce qu’il y a aujourd’hui des médecins qui préfèrent avoir une sécurité et exercer leur métier dans de bonnes conditions avec ce type d’exercice salarié.

Quelques chiffres

Les centres de santé en Pays de la Loire, c'est : 

129 dont 9 centres pluriprofessionnels 

12 sont gérés par des collectivités locales, et 2 impulsés et soutenus par le conseil départemental de Vendée. 

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