Article publié dans Concours pluripro, mars 2025
 

Si tu ne viens pas à l'exercice coordonné, c'est l'exercice coordonné qui viendra à toi. Telle pourrait être – en paraphrasant Le Bossu, de Paul Féval – la devise de Jacques Frichet. Car ce médecin généraliste normand n'a en rien prémédité cette trajectoire, qui a démarré dans les années 1980 et qui l'a mené d'un exercice "à la papa" – au sens propre du terme, car il s'est installé avec son père – à la construction d'une maison de santé pluriprofessionnelle dans les années 2000, l'une des premières du pays, et au militantisme en faveur de l'exercice coordonné, étant l'un des fondateurs de la Fédération des maisons et pôles de santé (FMPS) Normandie lancée il y a près de quatorze ans, en mai 2011. Cette évolution s'est faite de manière naturelle... mais avec des convictions fortes.

"Le pluripro, c'est un moyen, via le travail collectif, de se valoriser individuellement, de redéfinir son propre métier", estime Jacques Frichet aujourd'hui. Or quand il s'est installé, il y a plus de quarante ans, à Neufchâtel-en-Bray, le bourg rural de Seine-Maritime où il a grandi et où il a (presque) toujours vécu, la définition du métier de généraliste n'avait pas grand-chose à voir avec celle que l'on connaît aujourd'hui. "J'ai travaillé pendant quatre ans avec mon père. C'était une génération qui estimait qu'un généraliste devait s'accrocher : plus il y avait de travail, mieux c'était, et surtout, il ne fallait pas se plaindre. C'est une époque où on vantait notre bonté, notre humanité... mais où nos compétences n'étaient pas forcément mises en avant."

 

L'union face à l'adversité

Un environnement où "les rapports personnels avec les confrères n'étaient pas mauvais, mais où ceux-ci étaient tout de même vus comme des concurrents", se souvient le médecin généraliste. Dans les années 1990, toutefois, les praticiens du territoire se voient contraints de collaborer. "Notre petit hôpital s'est trouvé en difficulté pour assurer la continuité de ce qu'on n'appelait pas encore les soins non programmés. On nous a réunis pour trouver une solution, et plutôt que d'envoyer ces gens sur les roses, on s'est dit qu'on tenait vraiment à cet hôpital, que si le problème n'était pas résolu, cela allait nous retomber dessus... Et donc on s'est constitués en association pour assurer les gardes à l'hôpital." Modeste, celui qui estime qu'il n'était alors qu'un "médecin généraliste lambda" assure que c'est "un peu par hasard" que la présidence de l'association, baptisée Centre d'accueil des premiers soins (Caps), lui a échu.

Face à l'adversité et aux difficultés rencontrées par leur hôpital de proximité, les libéraux impliqués dans l'association découvrent de nouvelles réalités. "Avant même de parler de pluriprofessionnalité, on a appris à travailler ensemble, entre médecins. Et on a réalisé qu'on avait tous les mêmes contraintes, que si on s'envoyait nos patients, on ne se les piquait pas..."

Lors des gardes à l'hôpital, les rapports avec les infirmières transforment aussi le regard que ces médecins généralistes portaient sur leur propre métier. "On travaillait mieux, dans un environnement plus sécurisé. On s'est remis à faire des actes qu'on avait désappris à faire. Faire des plâtres, des sutures, c'est compliqué quand on est seul dans son cabinet, avec une salle d'attente pleine, quand le patient arrive avec un chiffon imbibé de sang et que les locaux sont inadaptés... Mais quand on a les équipes et les locaux, c'est différent."

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