Le bac obtenu – "au rattrapage, avec beaucoup de mal" –, il s'envole pour Amiens et sa fac de médecine, à 8 000 km de son île natale. Il y retrouve Rollin Bellony, qui aide ses protégés à s'installer, prend de leurs nouvelles, leur organise des cours avec des étudiants ayant réussi le concours... Elhad Mohamadi échoue la première fois, réussit la seconde, et embarque pour six années d'externat dans la petite Venise du Nord. Si ses stages de spécialité ne l'emballent pas, ceux plus "touche-à-tout", comme la rhumatologie, l'hémato-oncologie, la cardiologie, le passionnent. Il est conforté dans l'idée de faire médecine générale.
Ce qu'il apprécie aussi beaucoup dans cette discipline : le "rapport au patient". Mais pour lui, à l'époque, "c'est un challenge", car il est "très réservé". "Les quatre premières années, quand on me demandait de prendre la parole, mon coeur se mettait à palpiter, je suais des mains..." C'est grâce à ses enseignants "à l'écoute" qu'il gagne petit à petit en assurance. "En sixième année, j'étais en mesure de m'exprimer devant les gens sans trembler."
Pour l'internat, il opte pour la subdivision océan Indien, car depuis le collège, son but est d'exercer à Mayotte, où il a "grandi", qu'il "aime" et à laquelle il a "envie de contribuer". D'autant que, pour lui, il est crucial que les Mahorais soient davantage représentés parmi les médecins de l'île, pour éviter d'avoir à traduire du dialecte (shibushi, shimaoré) par des locaux et d'éventuellement compromettre le secret médical. Il effectue deux ans à La Réunion. Puis un an à Mayotte, où il s'imagine faire carrière au centre hospitalier, pilier de l'offre de soins. Mais un remplacement dans un cabinet libéral de Chiconi en 2013, alors qu'il est encore interne, va bouleverser ses plans.