C’est d’une manière quelque peu détournée que Sébastien Bellec a fait le choix de devenir masseur-kinésithérapeute. "J’ai toujours eu un attrait pour le sport. J’étais un sportif de compétition, en football. Au moment de faire un choix de carrière, devenir masseur-kinésithérapeute, métier que j’ai découvert à la suite de blessures, était un moyen de continuer à côtoyer le monde du sport." 

Au fil de sa formation, il découvre les autres versants de la profession, qui permet d’être proche des gens et de prendre en charge différentes pathologies. "Finalement, je n’ai jamais approché le monde du sport dans le cadre de mon exercice professionnel." À l’issue de sa formation à Rennes, il assure un remplacement en cabinet libéral, qui aboutit, après plusieurs semaines d’exercice, à une collaboration au sein de cette structure où il exerce toujours avec deux autres masseurs-kinésithérapeutes.


La naissance d'un pôle de santé

En parallèle, dans la même commune, deux médecins ressentent l’envie de connaître les autres professionnels de santé qui les entourent, d’améliorer la communication entre eux et de développer le travail en interprofessionnalité. "En 2009, ils ont organisé une réunion à laquelle une petite trentaine de personnes ont assisté", raconte Sébastien Bellec. C’est la première pierre à l’édifice du pôle de santé. "Lors de cette réunion, nous nous sommes interrogés sur ce que nous souhaitions partager car, jusqu’alors, nous n’avions pas d’échange et nous ne connaissions pas les spécialités des uns et des autres." 

Ensemble, ils décident de monter un projet de santé commun tout en gardant chacun leur structure d’exercice. "Nous n’avons pas cherché à nous rassembler, notre objectif était avant tout de nous organiser pour répondre aux besoins de nos patients, de proposer des actions innovantes, d’améliorer la prise en charge dans le cadre d’un travail en interpro. Certaines maisons de santé sont nées sans projet de santé et nous avions constaté les difficultés de fonctionnement. Nous avons souhaité faire l’inverse, nous fédérer avant tout, trouver des axes communs tout en permettant à chaque professionnel de garder sa liberté de pratique." 

L’agence régionale de santé (ARS) Bretagne, à la recherche de cette dynamique, fournit aux professionnels une enveloppe budgétaire pour l’intervention d’un cabinet de consultants qui les aide à construire leur projet de santé. L’équipe décide d’élaborer des protocoles communs de prise en charge des patients et de demander les nouveaux modes de rémunérations qu’elle obtient dès 2010.


Pas de lien hiérarchique

En tant que président de la structure, Sébastien Bellec n’impose rien, tout se décide lors d’échanges et de discussions entre la quarantaine de professionnels qui composent le pôle de santé : médecins, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pharmaciens, orthophonistes, pédicures-podologues, psychologues et chirurgiens-dentistes.

"J’en suis le président depuis 2012 car les deux médecins initiateurs du projet sont partis pour des raisons professionnelles. J’ai repris le flambeau à la suite du choix effectué par le conseil d’administration." Et de poursuivre : "Je n’étais pas forcément préparé à ce poste, j’étais bien dans mon cabinet, mais il est vrai que j’ai toujours suivi les projets et le travail en interprofessionnalité." 

Avec sa position, les liens hiérarchiques, avec les médecins notamment, se sont effacés. "J’ai la chance de travailler avec un groupe de professionnels de santé qui n’a pas ou plus cette vision du médecin à la tête d’un groupe, même s’il reste le pivot du parcours de soins. Dans la gestion de projet, je veille à ce que ce type de rapports hiérarchiques ne soit pas présent. Peut-être que d’autres professionnels le ressentent encore, mais au fil du temps, cela s’estompe grâce à notre communication." 

Aujourd’hui, vis-à-vis du groupe, il est avant tout l’initiateur des projets et l’animateur, "mais nous coordonnons tous ensemble les actions mises en place". Et la MSP regorge de projets.


Des projets en interpro

D’abord dans le cadre de l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI), qui permet l’élaboration de protocoles avec des fonctions de coordination. "Nous avons une infirmière coordinatrice (Idec) qui organise des réunions de concertation", explique le masseur-kinésithérapeute. Elle intervient également dans la prise en charge des personnes âgées. L’Idec reçoit des alertes pour le repérage des patients âgés fragiles et travaille à l’amélioration de leur parcours, dans le cadre du dispositif Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA). "Notre approche va être un fil conducteur pour le déploiement de PAERPA en Ille-et-Vilaine." 

S’ajoutent des ateliers sur la prévention des chutes, organisés par une association de masseurs-kinésithérapeutes et l’intervention d’un gériatre trois fois par an pour faire des bilans de prévention. La MSP a également mis en place des protocoles sur les anti-vitamine K, élaboré des fiches de suivi infirmier et masseur-kinésithérapeute sur le patient à domicile. Chaque professionnel accède aux dossiers médicaux communs via un système d’information partagé, et l’utilisation d’une messagerie sécurisée a été généralisée.

"Nous avons aussi élaboré un programme d’éducation thérapeutique du patient diabétique avec des séances collectives au cours desquelles sont abordés le 'mieux manger' et les repas équilibrés, ainsi qu’un soutien à la reprise d’activité physique." L’équipe prévoit enfin des consultations avancées une fois par mois à partir de mars, réalisées par des médecins spécialistes en hématologie et en orthopédie. Une offre qui existe déjà en cardiologie.


Des actions en interpôle

Un projet plus global se développe au niveau du pays de Brocéliande. Sébastien Bellec a reçu, par l’intermédiaire de l’ARS Bretagne, un appel à projets national dans le cadre de l’expérimentation du dispositif des infirmiers de coordination en cancérologie. Il vise à améliorer la coordination ville-hôpital pour la prise en charge des patients porteurs d’un cancer. "Notre territoire étant trop petit pour participer, nous avons rencontré d’autres pôles de santé proches géographiquement et avons décidé de répondre conjointement", raconte-t-il.

Les équipes ont été retenues en 2015 et, depuis, l’interpôle endosse la casquette de "territoire test". "Une infirmière coordinatrice assure cette fonction en pays de Brocéliande. Elle dispose d’un jour de permanence dans chacun des deux pôles et travaille également avec trois autres associations de professionnels de santé." Autre projet en cours dans le cadre de l’interpôle : "Nous sommes en phase de préfiguration pour devenir une plateforme territoriale d’appui (PTA). Cela fait dix-huit mois que nous y réfléchissons, nous sommes accompagnés par un cabinet de consultants et nous avons signé avec l’ARS. Mais pour le moment elle n’est pas encore effective." 

Et de préciser : "La PTA est selon nous un moyen de répondre aux besoins des professionnels de santé qui peuvent être confrontés à des situations complexes et chronophages dans la prise en charge de leurs patients. Cela peut entraîner une charge de travail conséquente en libéral. La PTA peut donc permettre d’aider les soignants qui ne connaissent pas forcément toutes les composantes sur leur territoire. Certes, nous pourrions faire sans, mais c’est facilitant pour le quotidien des professionnels et pour les patients."

Bio express

1971 : naissance à Pontivy (56)

1994 : diplôme de masseur-kinésithérapeute

1995 : installation en libéral

2012 : présidence du pôle de santé

2018 : création d’une PTA

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