Si un professionnel de santé peut prendre en charge un ami, cela ne le dispense pas de respecter ses obligations professionnelles, comme la nécessité de tenir et compléter son dossier médical. Dans un contexte de séparation de couple, un médecin généraliste a accepté de recevoir en consultation et de prendre en charge l'un de ses amis souffrant de troubles du sommeil et d'un syndrome dépressif. Après lui avoir conseillé de consulter un psychiatre, ce médecin généraliste va lui prescrire un somnifère en l'associant à un antidépresseur, diagnostiquant une dépression "majeure".
Deux jours après cette dernière consultation, cet ami se suicide. La famille décide alors de porter plainte contre ce médecin, au civil et devant l'Ordre, lui reprochant notamment de ne pas avoir assuré un suivi correct de son ami, d'avoir sous-estimé le risque de passage à l'acte et de ne pas avoir tenu de dossier médical. L'Ordre a ainsi condamné ce praticien à un blâme pour ne pas s'être assuré du suivi de son ami patient par un confrère psychiatre au moment de la prescription d'un antidépresseur, pour avoir post-daté une ordonnance et pour ne pas avoir tenu de dossier médical. Sur le plan civil, après plusieurs années de procédure, la cour d'appel de Bordeaux, dans un arrêt du 11 juin 2024, n'a pas condamné ce médecin mais l'a obligé à rapporter la preuve qu'il n'avait pas commis de faute dans la prise en charge médicale de son ami car il n'avait pas tenu de dossier médical. Grâce à des attestations écartant l'hypothèse d'idées suicidaires de son ami et ayant pu démontrer que sa prescription était adaptée et qu'il n'était pas nécessaire de prendre d'autres mesures, comme une hospitalisation, ce médecin a pu éviter une condamnation financière.