article publié dans Concours pluripro, mai 2021

>> Article rédigé par Dr Adélaïde Toutée et Pr Bahram Bodaghi, service d’ophtalmologie de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière (AP-HP), Sorbonne Université

CAS DE DEPART

Marie, 3 ans, présente depuis deux mois une boiterie et un genou gauche augmenté de volume. Son médecin traitant diagnostique une monoarthrite et prescrit un bilan, avec une radiographie, une échographie articulaire et une prise de sang pour rechercher un syndrome inflammatoire, infectieux et immunologique avec dosage des anticorps antinucléaires (FAN), du facteur rhumatoïde et typage HLA-B27. Marie est adressée en rhumatologie pour une ponction articulaire. Le rhumatologue confirme le diagnostic d’arthrite juvénile idiopathique oligoarticulaire à FAN positifs. Même en l’absence de troubles visuels, il décide d’adresser Marie en urgence en ophtalmologie, et explique aux parents qu’elle est à risque de développer une uvéite chronique bilatérale, avec un pronostic visuel sévère en l’absence de prise en charge précoce. Elle doit donc être dépistée.

Les plaintes visuelles ne surviennent qu’au stade tardif. Il est indispensable que Marie ait un examen ophtalmologique systématique tous les trois mois au long cours.

Devant cette situation qui implique initialement un symptôme rhumatologique, il est important de se rappeler qu’il existe des maladies ophtalmologiques associées et d’évolution insidieuse. Sans la vigilance du rhumatologue, Marie aurait pu avoir des séquelles visuelles importantes.

Un Plan national de diagnostic et de soins (PNDS) a d’ailleurs été créé en 2020 pour optimiser et harmoniser la prise en charge et le suivi des uvéites chroniques non infectieuses (Ucni) de l’enfant.

Les uvéites sont des inflammations oculaires d’étiologies variées mais dont le pronostic visuel peut être sévère, voire cécitant en l’absence de dépistage précoce et de traitement approprié. Elles sont souvent associées à des maladies systémiques chroniques. Le diagnostic et la prise en charge nécessitent une collaboration étroite multidisciplinaire entre le rhumatologue, le pédiatre, le médecin interniste et l’ophtalmologue, facilitée par les réseaux de soins.

Ce sont des inflammations oculaires au niveau de l’iris, du corps ciliaire, du vitré, de la choroïde et, par extension, de la rétine. L’uvéite est chronique lorsqu’elle se prolonge plus de trois mois ou si elle rechute moins de trois mois après l’arrêt du traitement. Chez l’enfant, l’incidence des uvéites est de 4,3/100 000 et la prévalence de 27,9/100 000. Elles sont souvent associées à des maladies systémiques chroniques.

Diagnostic

En cas d’uvéite, l’enfant n’a pas forcément de plainte visuelle et peut garder un oeil blanc indolore. Il peut aussi se plaindre d’un oeil rouge, d’une photophobie, d’une douleur oculaire, d’une baisse visuelle ou de myodésopsies ("corps flottants"). Un dépistage ophtalmologique est donc indispensable même en l’absence de manifestation visuelle chez les enfants présentant une arthrite juvénile idiopathique (AJI), une sarcoïdose, une granulomatose systémique, ou une maladie de Behçet.

Seul l’ophtalmologue pourra poser le diagnostic d’uvéite lors de l’examen clinique à la lampe à fente et au fond d’oeil. La mesure de l’inflammation de chambre antérieure des uvéites chroniques est suivie de manière objective au tyndallomètre laser dans des centres experts. L’imagerie ophtalmologique multimodale, comme la tomographie par cohérence optique, la rétinophotographie, l’angiographie rétinienne à la fluorescéine et au vert d’indocyanine, permet d’identifier des atteintes rétiniennes, choroïdiennes ou vasculaires ou les complications (oedème maculaire ou papillaire, néovaisseaux, ischémie rétinienne) liées aux uvéites.

RETOUR HAUT DE PAGE