En France, la reconnaissance en maladie professionnelle repose principalement sur le système de tableaux qui fixe la présomption de l’origine professionnelle. La liste de ces tableaux est mise à jour au gré de nouvelles informations sur des risques potentiels liés aux activités des travailleurs.

Pour améliorer la reconnaissance et la prise en charge, le gouvernement a décidé en 2018 de revoir leur processus de création. Pour ce faire, il a demandé à l’Anses de mener une réflexion sur les orientations à prendre. L’agence a rendu un premier travail en juillet 2020, sous la forme d’un guide méthodologique* décrivant la démarche scientifique qu’elle recommande.

Séparation des pouvoirs

La démarche actuelle dépend aujourd’hui d’un système souvent remis en cause. Les experts missionnés sont désignés par les membres de la commission spécialisée des pathologies professionnelles du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), elle-même notamment composée par les partenaires sociaux. Avec des limites pointées dans le rapport de l’Anses : le fait que des stratégies politiques entrent en jeu au moment de définir des pathologies professionnelles, puis au moment de concevoir les tableaux. Cette conception étant le fruit de négociations entre les partenaires sociaux, elle se fait parfois au détriment des données de la science.

Le recours à l’Anses vise donc à « séparer la phase d’expertise de la phase de négociation », explique ainsi l’agence dans un communiqué daté du 6 octobre. « La création ou la modification [des] tableaux nécessite de s’appuyer sur les connaissances scientifiques disponibles pour établir un lien entre des expositions à des dangers ou certaines conditions de travail et une maladie donnée », résume-t-elle, regrettant qu’à l’heure actuelle, ces connaissances scientifiques ne soient pas suffisamment prises en compte. « Ce qui contribue en partie à la sous-reconnaissance des maladies professionnelles. »

Des bases de travail

Le guide méthodologique fait des propositions sur la démarche à adopter. Elle propose, en préambule, une série de questionnements à mener avant les saisines. Celle-ci définit notamment une interrogation du statut de la maladie (reconnue d’origine professionnelle, ayant fait l’objet de débats, prise en charge par un système complémentaire, prise en charge à l’étranger, pour des expositions différentes, répertoriée dans un autre tableau, etc.), des données éventuelles de sous-déclaration, de pratiques des médecins. Elle propose une liste de bases de données à interroger pour ces questions.

Le groupe d’experts de l’Anses fournit aussi une méthodologie de désignation de la maladie à inscrire dans la première colonne du tableau, constatant l’hétérogénéité des descriptions existantes, parfois trop vagues, parfois trop spécifiques. Actuellement, elles peuvent parfois nécessiter le recours à des diagnostics invasifs ou non réalisables, bloquant ainsi la reconnaissance en maladie professionnelle pour les victimes. Il propose une désignation autour du triptyque « nécessaire, suffisant et faisable ».

Concernant l’établissement du lien de causalité entre la maladie et l’exposition, l’Anses suggère une terminologie en quatre groupes de relation causale : avérée, probable, possible et non classable. Le classement doit s’effectuer en s’appuyant en premier lieu sur les revues institutionnelles et systématiques, puis en l’absence de données « avérées », vers les articles originaux concernant l’humain puis, à défaut, l’animal ou les mécanismes.

Dans l’ensemble, sur les éléments précédemment décrits comme sur les autres présents dans le rapport (concernant en particulier les critères d’exposition), l’Anses a produit un document relevant d’une démarche scientifique relativement classique, mais solide, afin de guider les experts dans la réalisation des saisines. Les premiers travaux la mettant en oeuvre seront dédiés à l’étude de l’exposition aux pesticides en lien avec le cancer de la prostate, puis celle de l’exposition à l’amiante avec les cancers de l’ovaire, du larynx, du pharynx, de l’estomac et colorectaux, indique l’agence.

* « Guide méthodologique pour l’élaboration de l’expertise en vue de la création ou de la modification de tableaux de maladies professionnelles, ou de recommandations aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles », Anses, 2020

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