Ils tenaient tout particulièrement à cette table ronde. "La Creuse est un petit département, ce qui est dommage mais également une chance. Comme toute ruralité, nous sommes peu favorisés. Il nous faut donc pour survivre et vivre, inventer et être résilient", explique Claude Landos, médecin généraliste à la MSP La Celle-Dunoise et président MG-France Creuse, en introduction de la matinée “Les soignants inventent une nouvelle médecine rurale", organisée ce samedi 8 juillet – dont Concours pluripro est partenaire – et qui réunissait une quinzaine d’intervenants à Chéniers (Creuse). Les difficultés nous ont forcés à réagir, et ont permis l’apparition et le développement d’idées, souvent avant les départements mieux nantis, comme les maisons de santé, la coopération interprofessionnelle, les infirmières Asalée ou plus récemment, les médecins solidaires. Nous sommes pour le partage dans une transversalité plutôt qu’une verticalité."

Pour René Nicolas, président de MarcheProSanté, une MSP associative et multi-sites, "la médecine rurale est une médecine en pleine évolution, cela n’a plus rien à voir avec celle que nous connaissions. Il est important que cette médecine évolue, et il est surtout important que les jeunes comprennent qu’elle a évolué et que ce n'est plus du tout la même chose. Le but de cette table ronde est de montrer tout ce qui peut être fait pour améliorer à la fois les soins, mais aussi la santé des soignants."

 

La télémédecine et la solidarité au cœur des innovations

Venue témoigner de certaines initiatives creusoises, Dominique Grand, directrice de la délégation départementale de l'ARS Creuse a rappelé que "tous les professionnels sur le territoire sont très dynamiques, et font un exercice de qualité. Je me rends compte que la solution aux problèmes de désertification est l’exercice coordonné". Première innovation présentée :  Télédent qui a fait l’objet d’une publication internationale en 2019 et qui "a pour objectif de réaliser un bilan dentaire gratuit en utilisant la télémédecine via une plateforme sécurisant le transfert des données." Comment cela se passe ? Une infirmière se rend au chevet du patient, généralement dans un Ehpad, afin de réaliser une vidéo de l’intérieur de la bouche. "La vidéo est ensuite analysée par Arnaud Mondoloni, chirurgien-dentiste au CH de Guéret. Il va ensuite établir un diagnostic et pourra préconiser un plan de soins, indique Dominique Grand. Ce dispositif a vocation à être généralisé à l’ensemble des Ehpad de la Creuse. Actuellement,15 établissements ont signé une convention avec Télédent, afin que les résidents bénéficient de ce diagnostic gratuit." Au-delà des Ehpad, cette initiative va également être étendue aux structures prenant en charge les patients atteint du spectre de l’autisme. Pour Ludovic Lemoing, médecin généraliste et président de la CPTS La Licorne à Guéret, la Creuse est "le territoire idéal pour mettre en place de certaines pratiques, notamment la téléexpertise."

Ce dernier a évoqué le parcours de développement de création de filières de soins non conventionnels. "Nous avons des pathologies pour lesquelles les recommandations actuelles sont de débuter par une prise en charge non médicamenteuse. Nous en avons choisi 3 : le facteur de risque cardio-vasculaire, la lombalgie chronique et le burn-out. Grâce à la présence d’une maison sport santé à Aubusson, nous [professionnels de santé de la CPTS, NDLR] avons pu commencer à écrire des filières qui permettaient d’orienter sur prescription, vers de l’activité physique adaptée." Depuis deux ans, le cabinet compte environ 50 patients orientés vers de l’activité physique adaptée pour les lombalgies.

Concernant la filière burn-out, "nous avons eu l’idée avec une psychologue et une enseignante d’activité physique adaptée d’écrire une filière et de voir comment nous pouvions orienter le patient". Ensuite, des thérapeutes qui proposent de la médiation ou de la sophrologie non conventionnelle vont pouvoir intégrer la filière, s’ils réunissent certaines conditions. "Ils doivent pouvoir coopérer, utiliser certains outils et être d’accord pour être évalué afin d’être transparents dans leurs pratiques." Ludovic Lemoing mentionne notamment l’utilisation de l’outil Paaco-Globule, une solution de la région Nouvelle-Aquitaine portée par l’ARS, qui permet le suivi de tous types de parcours de santé.

A La Souterraine, c'est une initiative "d’hôpital à ciel ouvert" qui a été présentée par Jean-Patrick Penot, cardiologue. "Quand je parle d’hôpital à ciel ouvert, il s’agit du réseau de soins que nous sommes en train de mettre en place et l’utilisation de tout ce qui est déjà établi, Paaco-Globule, télé-expertise, les réseaux avec l’hôpital de Guéret qui a l’avantage d’être très central sur le plan géographique mais aussi celui de Limoges. Le fait de mettre tout de réseau en place permet de maintenir les personnes à domicile, ce qui me parait très important, confie le cardiologue. De plus, avec la télésurveillance, nous équipons des habitants d'appareils connectés. Cela permet d’avoir une prise en charge rapide, voire immédiate. L’hôpital à ciel ouvert, selon moi, c’est la possibilité d’avoir des avis spécialisés rapidement et sans avoir besoin de trimer derrière."

Enfin, parmi les innovations du département : "Médecins solidaires", un collectif de médecins venant de toute la France et qui se relaient pour venir travailler durant une semaine, dans deux centres de santé, l’un à Ajain et l’autre à Bellegarde-en-Marche. Martial Jardel, médecin généraliste et co-fondateur du dispositif est revenu sur cette initiative. "Nous venons de franchir la barre des 1.000 patients dont nous sommes médecins traitants. Et aujourd’hui, il y a plus de 150 médecins dans le collectif." Il est co-porté par l’association Bouge ton Coq, qui œuvre à redynamiser les villages. Pour autant, Martial Jardel rappelle que son innovation n’a pas "vocation à détruire le modèle du médecin de famille. Nous allons là où il n’y a pas de médecin."

 

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