"Elles ne veulent pas que je vienne, parce qu’elles disent que je vole la place des Français." Depuis le 4 mai dernier, des collectifs de femmes mahoraises (collectif des citoyens de Mayotte, Collectif 2018) bloquent l’accès des Comoriens aux structures de santé de l’île, rapporte Le Monde. En effet, les centres de santé de Mayotte sont devenus le lieu de cristallisation des tensions entre ces deux groupes. Entre pression démographique et pénurie de soignants, le 101ᵉ département français est au centre d’un "bras de fer inédit",

À l’origine de ces tensions : le lancement de l’Opération "Wuambushu", visant à expulser les étrangers en situation irrégulière, à réduire la part d’habitats insalubres et à lutter contre la criminalité. Une opération sans lien direct avec l’accès aux soins, si le système de santé n’y était déjà pas sous pression. Les soignants, 3,5 fois moins nombreux qu’en métropole, font face à une importante démographie : plus de 300 000 personnes sur un territoire de moins de 400 km². Résultat : devant les centres de santé et les pharmacies, des groupes de femmes mahoraises bloquent l’accès aux groupes de femmes comoriennes. En réaction, le 19 mai dernier, des bloqueuses ont été attaquées à l’entrée de l’hôpital de Dzoumonié, par un groupe de jeunes, "sans doute comoriens" suppose le quotidien. Après la destruction du poste de garde, le centre médical est resté fermé une semaine, jusqu’au 26 mai.  

"Nous sommes là pour assurer que 'Wuambushu" sera bien mis en place, clame la cheffe d’un groupe d’occupantes mahoraises. Ce dispensaire refuse de soigner les mahorais, il est réservé aux sans-papiers comoriens. Quand on vient, on nous répond : "Tu as la sécu, vas dans le privé". On doit payer nos consultations, nos médicaments et eux, les Comoriens, qui sont venus ici sans rien, ils ont tous les droits et tous les égards." Mère comorienne de deux enfants malades, kamladi explique au journal : "Elles ne veulent pas que je vienne, parce qu’elles disent que je vole la place des Français". Pour certains soignants, il s'agit d'une "prise d’otage".

Si quelques médecins, comme cette femme "muzungu" (terme désignant les Blancs et les personnes issues de la métropole) décrite par Le Monde, sortent distribuer des médicaments, il sera difficile, à terme, d’évaluer avec justesse les conséquences de ces blocages, sur la santé des Comoriens. Pour Florence Rigal, présidente de Médecins du monde, présente sur place : "Ce qui se passe confirme nos craintes au moment du lancement de l’Opération « Wuambushu », dans laquelle la dimension de santé n’a pas été prise en compte. D’autant que les personnes sans papiers se cachent pour éviter les contrôles et disparaissent du système de santé."

[Avec Le Monde]
 

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