Ils sont copilotes des travaux préparatoires des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant dont les conclusions sont attendues prochainement. Sébastien Colson, maître de conférences et enseignant-chercheur en sciences infirmières à Aix-Marseille Université, a participé aux travaux de l’axe no5 "Renforcer la formation professionnelle et faire évoluer les métiers de la santé de l’enfant". Charles Eury, vice-président de l'ANPDE, a planché sur l’axe no1 "Garantir à tous les enfants un parcours de santé de qualité et sans rupture".

Le plan issu des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant lancé en décembre 2022 par François Braun aurait dû être annoncé par son successeur, Aurélien Rousseau. Où en est-on aujourd’hui ? 

Charles Eury : Le rapport est toujours dans les cartons, ce n’est pas un sujet qui a été mis de côté par le gouvernement. Mais nous espérons que les mesures annoncées seront à la hauteur des ambitions initiales du lancement des Assises.

Depuis 2022, vos inquiétudes au sujet de la santé des enfants se sont-elles accrues ?

C. E. : A l’époque, il y avait deux sujets majeurs. Le premier était la crise des urgences, notamment pédiatriques. Or aujourd’hui, nous continuons à recevoir des alertes régulières sur la dégradation de l’état des services. En outre, les Assises se voulaient aussi une réponse à une crise plus globale sur la santé de l’enfant, comme l’avait déjà mis en lumière un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur les professionnels de l’enfance qui montrait une chute des compétences spécialisées, qu’elles soient médicales ou paramédicales.

Sébastien Colson : La situation dans les urgences reste effectivement problématique, surtout au moment des épidémies hivernales.

Comment expliquez-vous cette situation dégradée ?

S.C. : Une des bases du problème est que les réformes de la formation ont fait disparaitre des programmes obligatoires l’enseignement spécialisé sur la santé de l’enfant. Il y a donc mécaniquement une baisse des compétences des professionnels. De plus, les promotions qui ont été formées pendant la période du covid ont beaucoup souffert. Et à cela s’ajoute à une crise démographique qui touche toutes les professions de santé, et qui est d’ailleurs mondiale.
 

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C. E. : Si autrefois le secteur pédiatrique était attractif, on se retrouve aujourd’hui confronté aux mêmes difficultés que les autres secteurs. On ne remplit même plus les promotions de formation en puériculture ! Donc, on ne forme pas assez de professionnels qu’ils s’agissent des infirmières puéricultrices ou des autres métiers qui prennent en charge les enfants, comme les psychomotriciens et les orthophonistes par exemple. Pourtant, les besoins explosent et les prises en charge devraient s’effectuer précocement pour être efficaces.

Comment peut-on faire évoluer la formation des infirmières puéricultrices ?

S.C. : Nous avons célébré l’année dernière le 40e anniversaire du programme de formation des puéricultrices. Mais le problème est que celui-ci n’a pas évolué depuis ! Rien ne bouge alors que, depuis quinze ans, des rapports ont été publiés sur ce sujet. Les instituts de formation sont obligés de s’ajuster à marche forcée sur un programme qui est complètement hors temps. Prenons un seul exemple : la parution du programme date de 1983, année de la découverte du VIH. Résultat : le sida ne fait toujours partie du programme officiel. Par ailleurs, il est aujourd’hui indispensable de remettre un enseignement pédiatrique obligatoire dans la formation des infirmières car de fait, elles sont présentes dans les services pédiatriques. 

Les pratiques ont-elles évoluées ?

S.C. : Aujourd’hui, les PMI tournent essentiellement avec des infirmières puéricultrices car, dans certains territoires, on manque de médecins. Elles y assurent des consultations de puériculture mais sans pouvoir les coter car cela n’existe pas dans la nomenclature. Par conséquent, les centres ne peuvent pas être rétribués pour cette activité par l’Assurance maladie. Or, les PMI devraient vraiment être remis au centre de la prévention…
 

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C.E. : Rappelons que la loi Taquet de février 2022 prévoyait qu’un rapport soit remis au gouvernement sur le financement par l’Assurance maladie des actes de prévention des puéricultrices en PMI. On l’attend toujours. De même qu’on attend toujours un décret sur la prescription des dispositifs d’accompagnement à l’allaitement par les puéricultrices. C’est pourtant un enjeu de prévention énorme.

 

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