Article initialement publié sur egora.fr
 

"Ça suffit ! On a besoin d’un coup de pouce !", s’agace au téléphone Dominique Toscani. Le maire de Bornel, petite commune de 5 000 habitants dans l’Oise (Hauts-de-France), tente depuis trois ans de trouver une solution pour assurer l’offre de soins sur son territoire afin de pallier le départ de ses trois généralistes courant 2022. "Les deux premiers arrivaient légitimement à la fin de leur carrière et ont pris leur retraite. La troisième ne se sentait pas d’exercer seule et a préféré déménager", explique l’élu, qui a vite compris qu’il fallait partir en quête de nouveaux praticiens "à une époque où on en a tous besoin". "Le bassin de vie fait 12 000 habitants. Les autres communes n’ont pas de médecin non plus aux alentours."  

Avec le soutien d’une équipe privée, il accompagne la création d’un gigantesque pôle d’activité comprenant un "pôle de santé" de 450 m2. Plus d’une dizaine de professionnels libéraux y louent un cabinet. "Nous avons sur place deux infirmières, une diététicienne, une pédiatre, une sage-femme, un audioprothésiste, deux kinés, un ostéopathe, un orthophoniste, deux sophrologues, un psychothérapeute… tous louent un cabinet de 20m2 et peuvent bénéficier d’un espace commun pour les pauses-déjeuner notamment", précise Stéphane Monde, le propriétaire des lieux. Détail important pour le porteur de projet : ces cabinets bénéficient de salles d'attente séparées, notamment pour les médecins qui voudront bien s’y installer et que le maire de Bornel s’est attaché à trouver. 

Ce fut chose faite début mai, explique l’élu avec soulagement. Une généraliste, puis une seconde, acceptent toutes deux d’occuper à mi-temps le cabinet fraîchement équipé par la commune à hauteur de 7 000 euros. "La première habite à proximité, c’était idéal pour elle. Elle exerçait déjà la moitié du temps en Seine-Saint-Denis mais pouvait faire un à deux jours par semaine. Elle a rencontré lors du week-end de la Pentecôte l’autre médecin qui a le même profil et elles se sont tout de suite très bien entendues et mises d’accord pour assurer quasiment toute la semaine à elles deux."

Par la suite, Dominique Toscani entre en contact avec trois autres généralistes, intéressés par s’installer en cabinet regroupé sur la commune. "Nous avions des locaux vacants suite au déménagement des infirmières dans le pôle de santé. Nous leur réservons pour lorsqu’ils seront prêts à s’installer, car ces médecins sont en train de terminer leurs études où sont déjà engagés quelque part pour quelques mois", ajoute-t-il. Problème réglé ? Presque… 

Cohabitation refusée

Au début de l’été, la première généraliste prête à poser ses affaires dans le cabinet flambant neuf du pôle de santé s’est vu refuser son installation par le Conseil départemental de l’Ordre des médecins de l’Oise. "D'après un rapport récent de juin 2023 sur les dérives de pratiques non conventionnelles, la sophrologie et la psychanalyse n'étant pas assujetties aux professions médicales et ne peuvent donc exercer conjointement avec votre activité y compris avec des salles d'attente séparées", précise le courriel qui lui a été adressé par le CDOM, cité par France 3. Comprendre : les professions conventionnées ne peuvent pas devenir voisines de palier des professions non conventionnées. 

Un “scandale” pour le maire de Bornel, qui a du mal à digérer la nouvelle : Aujourd’hui, toutes les communes cherchent des médecins. Et nous, on a la chance d’en avoir trouvé cinq dont deux qui peuvent s’installer immédiatement ! Et ça nous est refusé… pour un problème de cohabitation !”, s’emporte-t-il. L’élu trouve la réponse de l’Ordre d’autant plus incompréhensible que les infirmières, les kinés et la pédiatre qui louent leurs cabinets dans le pôle de santé sont bien des professions conventionnées. “Voilà le verdict pour la première praticienne, cela devrait logiquement suivre pour la seconde…”, lâche-t-il. 

“Vous savez, j’ai 5 000 habitants dans ma commune et des personnes âgées qui ont 88, 90 ans… Comment font-ils pour voir un médecin à votre avis ? Ils appellent le 15 ! Et on se plaint que les urgences sont engorgées ? On a la chance d’avoir trouvé des médecins et ils ne pourraient pas exercer ? Tout ça à cause d’un coup de tampon ?”, continue Dominique Toscani qui n’hésite plus à surnommer l’Ordre des médecins, “le désordre des médecins”. “L’Ordre ferait mieux de faire des ordonnances pour nous aider au lieu de nous mettre des bâtons dans les roues”, raille-t-il.

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