Le travail en équipe, la coordination, les projets innovants… Si le ministère de la Santé encourage une transformation de l’approche des soins en ville, le champ des possibles est vaste. Peut-être parfois un peu trop. « Les professionnels ont énormément d’idées, ils veulent faire beaucoup de choses, confirme Amina Fouzai, médecin généraliste et médecin du sport à la MSP Uni’Med* située à Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis). Mais ils ne savent ni par où commencer, ni qui solliciter, ni comment faire. »

Qui contacter ? ARS ? CPAM ? acteurs locaux ? Comment monter la structure ? Comment la faire vivre ? Comment obtenir des aides ? Toutes ces questions doivent trouver réponse. Le problème : les professionnels n’ont souvent ni le temps ni l’appétence – et parfois pas l’envie non plus – de se pencher sur des aspects éloignés de leur domaine d’activité. Tous ne sont pas faits pour se frotter à l’administratif, à la gestion ou au management… C’est ce qui a motivé le Dr Amina Fouzai et Karim Jaaouani, coordi nateur de la MSP Uni’Med, à créer Keymed. « Le cabinet regroupe des coordinateurs qui viennent aider les maisons de santé et les CPTS à travailler autour de leur projet de santé, résume le coordinateur. Le projet de santé, c’est la base de tout, et nous intervenons pour faire en sorte que les professionnels puissent le mettre en place. »

Plus que des administratifs

Keymed identifie les points faibles du projet. Souvent, les deux volets qui inquiètent sont la gestion de la MSP et le travail en équipe. « Mais ne dites pas que les coordinateurs sont les administratifs des structures dans lesquelles ils interviennent ! », insiste Karim Jaaouani, qui défend une vision plus large de leur champ d’action (voir encadré). La promesse de la start-up est de donner vie au projet de santé, de l’idée à des actions concrètes. « Nous promettons aussi de faire gagner du temps grâce à notre expertise des circuits, et parce que nous avons éventuellement travaillé sur des projets similaires, poursuit le coordinateur. Une fois en place, on vient animer la maison de santé, les réunions, et nous facilitons la circulation de l’information. » Ensuite seulement, Keymed entend apporter de la sérénité sur l’administratif, la gestion, la résolution des problèmes. Elle propose, en complément de cet accompagnement, un service de conciergerie pour gérer les petites pannes, lorsque les MSP ont besoin d’un bricoleur, d’un plombier, etc. « Nous évaluons aussi les bénéfices des actions auprès des patients », complète Amina Fouzai.

Pour démarrer

Pour cet accompagnement, la solution Keymed est assez simple : après avoir évalué les besoins du projet, la start-up fournit du temps de travail. « En moyenne, les MSP ont besoin d’un coordinateur deux jours par semaine », précise Karim Jaaouani, pour une prestation d’une durée d’un an, en général. « L’idée, c’est souvent de commencer petit, et de faire valoriser la coordination par l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI). Le coordinateur fait en sorte d’être autofinancé, ça fait aussi partie de son rôle. »

Ensuite, en fonction des besoins, des envies d’étendre les activités de la structure, l’intervention des coordinateurs est ajustée. Dans l’idéal, Keymed intervient au moment de la création de la MSP, lorsqu’elle a validé son étude de faisabilité et qu’elle entre dans la phase de démarrage, soit quelques mois avant l’ouverture. Mais « la coordination est aussi quelque chose de pérenne, ajoute Amina Fouzai. On en a besoin tout le temps : de nouveaux projets arrivent, de nouvelles subventions, des arrivées et des départs de professionnels. C’est un soutien presque constant que nous proposons, en plus des aspects financiers et administratifs. » La coordination se poursuit donc souvent à l’issue de la première année d’accompagnement.

La start-up compte aujourd’hui 7 employés. Les profils d’origine des coordinateurs sont variés : santé publique, finance, gestion-administration, gestion de projets, ressources humaines, et des professionnels de santé. Elle accompagne une quinzaine de MSP et CPTS en Île-de-France, composées de 5 à 40 professionnels, et presque autant sont en attente. Les deux cofondateurs se réjouissent également d’avoir monté la première CPTS qui a signé l’ACI en région parisienne, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Tous ces projets donnent du travail, et Keymed recrute !

* Voir Le Concours médical, février 2020, p. 10.

3 questions à

« Toujours partir du professionnel de santé »

Trois questions à Karim Jaaouani, coordinateur à la MSP Uni'Med et cofondateur de Keymed.

Pour vous, qu’est-ce qu’un coordinateur ?

C’est un nouveau métier qui se développe, avec des méthodes et des profils différents. Il serait très réducteur de considérer les coordinateurs comme des managers ou des administratifs. Chez Keymed, ils sont en général diplômés en santé publique, ils connaissent les ressorts de la gestion d’équipes, et sont aussi à l’aise avec l’administratif. Le coordinateur peut d’ailleurs avoir plusieurs casquettes. Amina [Fouzai, cofondatrice de Keymed, NDLR], avec son profil de médecin, a par exemple moins d’appétences administratives. En revanche, sur les projets de santé, sur l’accès aux soins non programmés par exemple, c’est très intéressant d’avoir un expert médical, surtout dans le cadre de création d’une CPTS.

La formation est importante ?

Je viens d’être diplômé de la première promotion de la formation de l’EHESP. Pour l’instant, ils privilégient des coordinateurs déjà en place. C’est une bonne formation, extrêmement intéressante et enrichissante, tant par la qualité des cours que par la présence de coordinateurs déjà expérimentés, aux profils très différents.

Comment un coordinateur intervient-il ?

Prenons un exemple : un médecin n’a pas le temps de faire des visites à domicile, et cherche des solutions pour accompagner les personnes âgées vers le cabinet médical. Notre rôle sera de se renseigner sur ce qui existe ailleurs et d’apporter une solution, de contacter des associations, des bénévoles, d’étudier les possibilités ou de recruter une personne en service civique... Ensuite, nous présentons les possibilités au professionnel, avec tous les aspects financiers. Ce qui lui permet de trancher. S’il choisit de recruter un service civique, nous nous chargeons des démarches. Il faut toujours partir du professionnel de santé, sinon ça ne fonctionne pas.

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