Des maisons de santé qui présentent "des résultats positifs en relais de projets médicaux solides" mais "sans effet d’entraînement suffisant". Les centres de santé gérés par les collectivités territoriales, un "modèle potentiellement utile mais exigeant" dont l’efficacité est atteinte "parfois au détriment de l’efficience". C’est ce qui ressort du chapitre 7 du rapport public 2023 de la Cour des comptes consacré à la décentralisation, quarante ans après le lancement de ce processus par l’adoption de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Une "rupture historique (…) visant à donner aux collectivités territoriales la maîtrise de leur devenir et permettre de rapprocher l’administration des administrés", a expliqué Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, lors de la présentation du rapport à la presse le 10 mars dernier. Un chapitre d’une cinquantaine de pages – le dernier volet de ce rapport annuel de 572 pages – qui s’attache à analyser le rôle et l’impact des collectivités territoriales sur les difficultés d’accès aux soins*.


 

Pour les soins de premier recours, les inégalités d’accès aux soins (inégalités financières, sociales et /ou géographiques) concernent en premier lieu les médecins généralistes, note le rapport qui cite, pour preuve, l’indicateur de l’accessibilité potentielle localisée (APL). Ainsi, selon l’Insee, en 2019 en Corse par exemple, l’accès à un médecin était quatre fois plus facile pour les 10% de la population les mieux desservis que pour les 10 % les moins bien desservis. Plus largement, ces difficultés toucheraient de 3% (selon la Drees) à 20% de la population française.

Une compétence limitée

Pour la Cour des comptes, ces "difficultés doivent être prises en considération même si leurs manifestations ne concernent souvent qu’un ‘segment’ d’accès aux soins : tantôt la difficulté, voire l’impossibilité, de trouver un médecin de garde, la nuit ou le week-end, ou encore d’obtenir un rendez-vous chez un médecin généraliste pour des soins non programmés, ‘de petite urgence’ ; tantôt la faible disponibilité pour des visites à domicile ou la difficulté à obtenir un rendez-vous auprès d’un médecin qui n’est pas le médecin traitant". D’autant que pour les élus locaux, ces difficultés sont "pénalisantes pour l’attractivité [de leurs] territoires souvent déjà fragilisés par la concentration de l’acticité dans les métropoles ou les centres urbains".

De plus, les collectivités territoriales "n’ont qu’une compétence limitée pour agir sur la disponibilité ou l’organisation des soins de premier recours", note le rapport. Ainsi, rapporté aux dépenses de l’État et de l’Assurance maladie, le montant des aides qu’elles proposent (150 M€) est "six fois inférieur" à ce que mettent à disposition les ARS via le Fonds d’intervention régional (1 Md€) et représente "0,5% du montant des soins de premier recours pris en charge par l’Assurance maladie (30 Md€)". Pour autant, insiste la Cour des comptes, elles peuvent "compléter utilement" les interventions des pouvoirs publics "en ciblant plus précisant des besoins locaux mal satisfaits".


 

Depuis 2009, plusieurs plans d’action nationaux déployés intègrent des aides relevant des collectivités territoriales. À l’instar du contrat de début d’exercice qui représente un coût estimé en 2021 à 8 M€ pour l’État par an, précise le rapport. Parallèlement, l’Assurance maladie a mis en place des aides destinées à l’installation ou au maintien des praticiens dans ces zones sous-denses, mais limitées aux seules ZIP. Ainsi, en contrepartie d’un engagement à y exercer pendant la durée de son contrat et à maintenir un certain niveau d’activité, le professionnel peut bénéficier d’une aide forfaitaire :  50 000 euros au maximum pour un médecin par exemple, et 19 500 euros pour un orthophoniste. Pour le maintien de l’activité, les aides sont moindres : 3 000 euros par an pour tous les professionnels, soit 9 000 euros pour la durée du contrat. Des aides qui ont représenté, pour la Cnam, 95,6 M€ en 2020 (contre 49,5 M€ en 2015), poursuit la Cour des comptes.

Si trois professions font l’objet de mesures limitant l’installation dans les zones dites sur-dotées – les infirmières, les kinésithérapeutes et les sages-femmes –, ce conventionnement sélectif, souvent évoqué pour les médecins, "n’a pas été retenu jusqu’à présent" notamment "parce qu’a été privilégiée une politique plus globale de ‘transformation de l’offre’ de soins, y compris de premier recours". Ce qui se traduit par des incitations à l’exercice coordonné et au partage des actes entre professionnels.
 

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