Plus récemment, les pouvoirs publics se sont tournés vers un autre dispositif, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), avec un objectif de maillage du territoire par plus de 1 000 CPTS à l’horizon 2022. Selon, la Fédération des CPTS (FCPTS), il y aurait en ce début d’année 2021, 700 projets identifiés dont seulement une centaine aurait signé l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI). Créées par la Loi de modernisation de notre système de santé de 2016, les CPTS constituent un nouveau cadre d’évolution des pratiques professionnelles sur les territoires, au service du développement de la prise en charge ambulatoire et de l’amélioration du parcours coordonné du patient. Elles permettent une organisation flexible, dans laquelle les professionnels choisissent avec qui ils souhaitent se coordonner pour répondre à des objectifs de santé publique qu’ils jugent prioritaires, sur un territoire dont ils définissent eux-mêmes les contours.
Difficile cependant de ne pas voir la main planificatrice de l’État avec des objectifs quantifiés, des échéances et avec là encore, le risque de coquilles vides.
L’intégration des perceptions des acteurs locaux de santé dans les politiques publiques est indispensable pour améliorer la prise en charge des patients et développer une offre de soins durable sur les territoires. Pour cela, les porteurs de projets doivent rédiger une lettre d’intention et un projet de santé avec des indicateurs de suivi, afin d’évaluer la pertinence des actions menées. Trois missions socles sont identifiées : l’accès aux soins (favoriser le recours au médecin traitant et organiser des soins non programmés), la prévention et la coordination. À cela s’ajoutent des missions complémentaires : qualité et pertinence des soins, actions en faveur de l’accompagnement des professionnels de santé sur le territoire.
L’Agence régionale de santé doit valider le projet et une ACI doit être signée afin que l’Assurance maladie verse entre 185.000 euros et 380 000 euros par an suivant le nombre d’habitants résidant sur les communes de la CPTS. (Cette subvention est consacrée uniquement à la coordination et la logistique et non aux revenus professionnels.)
Étant donné le contexte démographique des professionnels de santé et leur besoin de coordination pour répondre à la demande croissante de soins, c’est en milieu rural que les CPTS rencontrent le plus d’enthousiasme. Cependant, médecins, infirmiers ou kinés porteurs de projet doivent braver plusieurs obstacles éprouvants : la définition d’un territoire pertinent, la concertation de tous les acteurs de santé, la rédaction de projets, les démarches administratives et juridiques, etc. Ces démarches exigent une forte motivation et du temps non rémunéré (tandis que les libéraux demandent davantage de temps dédié aux soins), de nombreuses réunions et des subventions qui ne sont versées qu’à un stade avancé du projet, et après vérification du respect d’un cahier des charge des ARS parfois rebutant (jusqu’à 80 pages !)
En milieu urbain ou périurbain, les CPTS rencontrent davantage de réticence ; on assiste à des compétitions pour prendre place sur le territoire en y créant l’unique CPTS : tout cela peut générer tensions et conflits entre les acteurs de santé, à l’opposé de la coordination recherchée. Fréquemment, les premières CPTS constituées correspondent à une coopération déjà présente sur le territoire (pôles de santé, bassin de patientèle coordonné autour d’un hôpital local, etc.). C’était d’ailleurs en référence à ces modèles préexistants que le concept a été proposé dans la loi de 2016.
> L’exemple des CPTS durant la crise du Covid-19
Les retours d’expériences ont montré que les CPTS ont su répondre de manière efficace à la crise sanitaire. Les professionnels de santé investis dans ses regroupements (souvent à l’état de projet), se sont rapidement mobilisés pour organiser la gestion de crise sur leurs territoires. Ainsi, laboratoires et pharmacie de proximité, médecins généralistes et spécialistes, infirmiers et autres professionnels ont improvisé des centres de dépistage avec un parcours précis pour les patients.
Les CPTS ont mené des actions pour faciliter l’accès aux soins à travers la mise en place de consultations Covid-19 avec des accès prioritaires pour des patients symptomatiques ainsi que des dépistages quotidiens en voiture sous forme de drive afin de limiter les contacts. Médecins et infirmières se sont mobilisés pour le suivi des patients à domicile. Beaucoup se sont investis dans l’inventaire des besoins, la récupération et la distribution des équipements de protection individuelle et ont bien souvent mutualisé leur matériel. Certains ont également adopté des outils numériques de communication et des gestion de tâches et de projets afin de centraliser et partager les informations relatives à l'épidémie à l’ensemble des professionnels de santé : diffusion des recommandations, des actualités, ainsi que l’état de santé des patients. Ainsi, beaucoup expriment un travail fourni conséquent et une période épuisante malgré l’absence d’activité rémunératrice.
La coordination ville-hôpital s’est accélérée et de nouveaux partenariats se sont créés avec les collectivités territoriales, les établissements médico-sociaux, les établissements de santé privés et les autres CPTS. Par exemple, le comité de pilotage de la future CPTS Ouest Hérault a construit, en partenariat avec le centre hospitalier de Béziers, un site Internet sur lequel les professionnels de santé ont pu visualiser les clusters du Covid-19 sur une cartographie interactive, ainsi que l’évolution de l’état de santé des patients, permettant à l’hôpital d’anticiper les hospitalisations afin d’éviter la saturation.
Cette mobilisation a bien souvent catalysé la genèse de ces CPTS en révélant l’utilité de cet exercice groupé aux professionnels de santé n’ayant pas encore adhéré à ces associations mais aussi aux établissements de soins et aux ARS. Leur mode d’organisation souple et très réactif, leurs solutions adaptées aux besoins de leur territoire ont accéléré leur reconnaissance.
Cependant plusieurs coordinateurs de CPTS ont déploré l’absence d’aides logistiques et financières lorsqu’ils se sont tournés vers leur ARS ou leurs URPS afin de soutenir leurs actions : achats de kits complets de protection (certaines CPTS ont déboursé 40 000€), mise en place de centres d’appels, recrutement de personnels, etc.