D’après la conférence du Dr Stéphanie Rist et du Dr Raphaël Rogez*, à l'occasion du cycle 2019 des Tribunes de la santé de la Chaire santé SciencesPo, « Des outils pour faire évoluer le système de santé. »

C’est la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 qui a introduit l’existence des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) dans le système de santé. Derrière cette nouvelle organisation de l’offre de soins, les enjeux sont nombreux : transition épidémiologique avec le développement des maladies chroniques, polypathologies, vieillissement de la population… S’ajoutent les enjeux du virage ambulatoire avec, en toile de fond, la nécessité de promouvoir l’égal accès aux soins à tous les patients, de libérer du temps médical, de mieux coordonner les parcours de prise en charge dans un souci de continuité et de cohérence.

Créées à l’initiative des professionnels de santé organisés en équipes de soins primaires (ESP), les CPTS ont vocation à répondre à ces divers enjeux. Une précaution est tout de même prise : la possibilité pour l’agence régionale de santé (ARS), avec les unions régionales des professionnels de santé (URPS), de prendre l’initiative de constituer des CPTS en l’absence de volonté du terrain. Une obligation est également instaurée : la nécessité pour l’équipe de la CPTS de formaliser un projet de santé transmis à son ARS. En pratique, « l’organisation des CPTS s’est révélée assez hétérogène et a suscité plus ou moins d’adhésion de la part des professionnels de ville », a rappelé Stéphanie Rist, médecin rhumatologue et députée de La République en marche. Avant de pointer du doigt quelques manquements, notamment un fonctionnement en silo avec, d’un côté, la médecine de ville et, de l’autre, l’établissement hospitalier, sans construction commune avec le médico-social. Le financement était également très « ARS-dépendant », s’appuyant généralement sur le Fonds d’intervention régionale (FIR). « Cette absence de financement pérenne a constitué un frein à la participation des professionnels de ville », a soulevé la députée.

Un engagement des pouvoirs publics

La situation a évolué avec la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé adoptée en juillet dernier, puisque l’un des objectifs affichés du gouvernement est le développement massif de la coordination des soins en ville avec la nécessité de mettre en place des leviers pour la développer et la financer. Trois missions socles leur sont reconnues : faciliter l’accès aux soins, organiser le parcours de santé et faire de la prévention. Des missions complémentaires peuvent également être financées.

Par ailleurs, dans son article 42, la loi de financement de la Sécurité sociale 2019 impose la négociation d’un accord-cadre interprofessionnel (ACI) pour le développement des CPTS. Il a été signé le 20 juin dernier entre l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie (Uncam) et les syndicats représentatifs. Désormais, en cas de validation du projet de santé de la CPTS par l’ARS, un financement non fléché compris entre 185 000 et 380 000 euros par an est attribué aux CPTS. Cependant, « l’absence de financement n’empêche pas la constitution de CPTS », tient à préciser Stéphanie Rist. 

Un lancement via les URPS

Dès 2010, dans le Centre-Val de Loire, les URPS ont travaillé à la création d’un pôle de santé sur un quart du département, autour de la ville de Loches. Le projet de pôle s’est transformé en CPTS à leur création en 2016, avec le soutien de l’ARS. « Notre région est en souffrance d’un point de vue démographique, a rappelé le Dr Raphaël Rogez, président de l’URPS médecins libéraux Centre-Val de Loire. Les CPTS ont vocation à attirer les jeunes praticiens. Elles sont aussi un moyen pour organiser l’offre de soins primaire, secondaire et tertiaire sur le territoire. »

Une fois le secteur défini, les URPS ont organisé un groupe de travail avec des professionnels de santé, en s’appuyant sur les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), pour présenter le projet, analyser les besoins de santé et créer une dynamique. Lorsque la CPTS a été constituée, les libéraux ont pris contact avec l’hôpital du secteur pour participer à sa commission médicale d’établissement (CME) et inversement. « Les problématiques de chacun sont ainsi évoquées, ce qui permet d’avancer », a fait savoir le Dr Rogez.

Des coordonnateurs ont également rapidement été recrutés afin d’aider à la rédaction du projet de santé pour aboutir à la contractualisation avec l’ARS et dégager un financement de 50 000 euros sur le FIR. Les URPS ont œuvré au déploiement d’autres CPTS pour mailler le territoire. « Ma grande crainte était le maintien de zones blanches. Nous avons donc voulu que chaque territoire soit couvert par une CPTS et que ce soit jointif », a indiqué le Dr Rogez. Si au 30 septembre dernier, 41 % de la population du Centre-Val de Loire (soit 2 573 687 habitants) était couvert par une CPTS, la projection de l’URPS avoisine les 70 % de la population du territoire couverte par une CPTS en janvier 2020.

*Le Dr Stéphanie Rist est médecin rhumatologue et députée de la 1re circonscription du Loiret. Le Dr Raphaël Rogez est président de l’URPS médecins libéraux Centre-Val de Loire.

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