Il aura fallu plus de deux ans pour voir publié au Journal officiel le décret relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée. Car si la loi de modernisation de notre système de santé (26 janvier 2016) entérine l’élargissement des compétences de certaines professions et reconnaît, de ce fait, le statut d’infirmier en pratique avancée (IPA), le décret n’a, pour sa part, été publié que le 18 juillet 2018. De la théorie à la pratique, il n’y a qu’un pas… long de trente mois, pendant lesquels se sont dessinés les contours de ce nouveau profil : quelles activités confier à l’IPA ? quel(s) domaine(s) d’intervention ? quelles compétences ? quelle formation? quelles relations avec les autres professionnels ? quelle complémentarité entre l’IPA et le médecin ?

Les discussions ont été houleuses et les débats nourris par de franches oppositions: pas assez d’autonomie, trop forte mainmise des médecins, trop de ceci et pas assez de cela… Si ce temps de gestation a été long, il a fallu, sitôt le décret né, mettre la gomme et donner un grand coup de collier… afin de donner corps à cette volonté politique de "réorganiser les pratiques en définissant de nouvelles règles de partage entre professionnels de santé". "Si les grandes lignes du diplôme ont été fixées par le décret, dans la pratique, il a fallu tout inventer !", lance le Pr Dominique Somme, responsable du diplôme d’État infirmier en pratique avancée à l’université de Rennes. Sur le terrain, à quelques semaines de la sortie des premiers IPA sur le marché, plusieurs questions restent en suspens. S’il est fort probable que les hospitalières évolueront suivant la grille indiciaire de la Fonction publique hospitalière (FPH), quel sera le modèle économique en ville ?
 


Karen Ramsay, rédactrice en chef
 

Qu’on se rassure : Agnès Buzyn a affirmé, le 2 avril dernier, que les IPA "verront bien leur rémunération évoluer conformément à leurs nouvelles responsabilités". Pour autant, rien n’est encore entériné. Et tout est possible. Qu’espère la profession ? Une revalorisation salariale qui soit à la hauteur des efforts fournis et des sacrifices (notamment personnels) demandés. Que souhaite-t-elle ? Une reconnaissance, longtemps attendue, de leurs compétences premières et acquises. Mais aussi une meilleure intégration au sein des équipes de soins primaires.

Car au-delà du simple binôme médecin-infirmier, ne gagnerait-on pas à viser une vraie cohésion pluriprofessionnelle ? À quelques jours de la Journée internationale de l’infirmière (12 mai), la profession attend des mesures concrètes et un signal fort des pouvoirs publics. Pour que les 72 premiers IPA qui quitteront les bancs des universités dans quelques semaines soient de vrais pionniers et non des sacrifiés.

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