Le constat est désormais (presque) unanime : l’exercice pluriprofessionnel est bénéfique, aussi bien pour les patients qui y trouvent une meilleure réponse à leurs besoins que pour les soignants qui s’y épanouissent davantage. Les pouvoirs publics l’ont bien compris, et ont inventé un instrument pour permettre aux blouses blanches de développer l’esprit d’équipe qui sommeille en elles : les accords-cadres interprofessionnels (ACI).
Issus de négociations complexes entre les syndicats professionnels et l’Assurance maladie, foisonnants d’indicateurs, de points et de prérequis, ces mécanismes sont souvent décriés pour leur caractère opaque. Ils n’en sont pas moins devenus essentiels aux maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et autres centres de santé : l’exercice coordonné prend du temps, et le temps, c’est de l’argent ! Argent que les ACI sont, bon an, mal an, presque les seuls à apporter. Mais d’abord, pourquoi y a-t-il des ACI plutôt que rien ? Les soins n’ont-ils pas toujours, du moins en France, été financés à l’acte ? Si les professionnels de santé ont besoin de ressources pour se coordonner entre eux, pourquoi n’utilisent-ils pas à cet effet une partie de leurs honoraires ? Autant de questions qui, pour trouver une réponse, nécessitent un petit détour par l’histoire, et par la décennie 2000 qui a vu les autorités sanitaires appuyer de plus en plus, par diverses mesures, le regroupement des professionnels de santé. Des dispositions qui concernaient alors principalement l’aide au lancement de nouvelles structures (aides à l’investissement, à l’ingénierie de projet…), et non leur fonctionnement. Ce n’est qu’avec la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) de 2008 qu’un tournant s’est opéré, avec l’introduction de ce qui allait devenir l’ancêtre des ACI : les expérimentations des nouveaux modes de rémunération (ENMR).

Révolution copernicienne

Derrière ces quatre petites lettres se cachait une petite révolution copernicienne. Les ENMR apportaient en effet aux structures pionnières qui en bénéficiaient (d’abord 42 MSP et centres de santé en 2009, puis 150 en 2010) non pas une subvention dédiée à une activité spécifique (étude de faisabilité, aide à la construction…) mais un montant forfaitaire que les équipes se partageaient pour financer… ce que bon leur semblait. Pour la première fois, le temps de coordination, le temps passé en réunion de concertation pluriprofessionnelle (RCP), le temps dépensé à mettre en place des protocoles allait pouvoir être indemnisé. L’idée étant que les professionnels pourraient enfin se consacrer pleinement à ces missions qui, bien qu’elles ne s’effectuent pas dans le sacro-saint face-à-face avec le patient qui déclenche tout paiement à l’acte, sont le pain et le sel de l’exercice regroupé.

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