Tout a commencé "il y a un peu plus de deux ans", retrace Philippe Decaen, directeur de la CPAM de la Manche. La Caisse repère alors sur les réseaux sociaux le profil d’Aude Nyadanu, fondatrice de l’agence d’innovation en santé Lowpital. Le contact est pris virtuellement, puis physiquement. Et ensemble, ils dessinent les contours d’un projet de design fiction, une méthode collaborative qui "permet de se projeter dans des futurs possibles", définit cette dernière.

La CPAM, qui voit dans la CPTS du Cotentin un "bon partenaire", suscite le rapprochement avec l’agence d’innovation en santé. Un horizon est fixé : 2042. Un cap ni trop proche, ni trop lointain… et surtout, symbolique : la CPTS, "de taille 4", qui couvre un bassin de "185 000 habitants", fêtera les 20 ans de son opérationnalité, précise Lavinia Lempérière, sa coordinatrice.

Pourquoi opter pour le design fiction ? Pour "sortir la tête du guidon, s’abstraire des contraintes du présent", qui "prennent tout l’espace", explique Aude Nyadanu. C’est ce qui a séduit Lavinia Lempérière, mais aussi Philippe Cholet, président de la CPTS du Cotentin. Car, jusqu’alors, le travail en groupe se heurtait, par exemple, à la ressource médicale limitée, au contexte tendu des négociations conventionnelles… Pour le médecin, d’autres éléments ont aussi pesé : le fait que la réflexion soit "en partage" avec les décideurs, ou encore les références de Lowpital.*


crédit : CPTS du Cotentin

 

Pour les deux acteurs, le défi a été de convaincre autour d’eux, d’abord les 11 membres du bureau de l’association puis les 40 administrateurs et les 400 adhérents. D’argumenter sur “l’utilité” de la démarche face au scepticisme qui fait dire : "La maison brûle, et nous on se projette en 2042 ?" Mais aussi, de rassurer sur les modalités : nombre de rendez-vous, durée, coût… Au final, “l’audace” l’emporte. La CPTS accepte le challenge, non sans clarifier ses attentes en réunion de cadrage, se souvient Aude Nyadanu : que ce soit “participatif’”, “convivial”, porteur “d’idées nouvelles”…

Trois ateliers collaboratifs ont ainsi vu le jour, en juin dernier. Lavinia Lempérière a amené “les têtes pensantes”, invitant “au plus large : adhérents, partenaires, personnes ayant un contact quelconque avec la CPTS”. En tout, une cinquantaine de personnes – professionnels de santé, personnels administratifs d’établissements, représentants d’usagers, sociologues, mutuelles, banquière –, se sont mobilisées pour “écrire l’avenir ensemble. C’est très fort”, commente Aude Nyadanu. Le lieu a été arrêté : le Lab Santé de la CPAM. Le format : 3 heures, en soirée. Nul n’en a fait cas, l’événement étant décontracté.

 

À partir d’un tirage de cartes d’un jeu créé pour l’occasion, les participants des ateliers - pilotés par Aude Nyadanu et le designer Matthieu Robert** -, ont créé deux univers. Deux, car “le futur ne se prédit pas, il se choisit, en démocratie”, souligne l’entrepreneuse. Ils y ont décrit la santé, ses lois, lieux, métiers, imaginé des personnages, bâti des récits. Sans bride, le “et si ?”, étant la règle. Quand on est audacieux, “tout est permis”, abonde Philippe Cholet. De là, Lowpital a créé deux nouvelles et deux artefacts (ou objets “ramenés” du futur), pour rendre les univers accessibles, tangibles... Le tout réuni dans un livret.

 

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