Elles sont infirmière coordinatrice en pôle de santé, infirmière Asalée en centre de santé, infirmière trésorière de CPTS ou encore, infirmière en pratique avancée en Corse… Et donnent corps à la thématique choisie par le Conseil international des infirmières (CII) pour l’année 2021 : "La profession infirmière : Une voix faite pour diriger. Une vision pour les soins de demain".
 

Rencontre avec Géraldine Coutard, infirmière et coordinatrice au Pôle de santé de l’Ouest Mayennais à Ernée (Mayenne)

 


63 professionnels de santé, bientôt trois maisons de santé regroupées… Le Pôle de santé de l’Ouest Mayennais est une grosse structure pluriprofessionnelle. Et l’organisation quotidienne de cette belle mécanique repose sur Géraldine Coutard, infirmière libérale qui consacre désormais 80 % de son temps à la coordination du pôle. "C’est très stimulant, j’ai l’impression de vraiment faire le lien entre les différents professionnels, se réjouit-elle. Et franchement, avec tout le travail qu’ils ont, je ne pense pas que les deux co-gérants de la structure auraient le temps de faire tout ce que je fais."

En tant qu’infirmière libérale, Géraldine faisait partie de l’équipe de professionnels qui a monté le pôle de santé. Quand celui-ci a démarré, elle s’est rendu compte qu’elle commençait "à saturer, à avoir moins envie d’aller en tournée". Quand on lui a proposé d’assurer la coordination, elle s’est donc lancée et elle est même retournée sur les bancs de l’école : elle a suivi entre 2015 et 2017 une formation en deux ans dispensée par l’École des hautes études de santé publique (EHESP)… sans pour autant oublier son métier d’infirmière. "Je garde mon activité libérale, d’abord parce que j’en ai besoin, et aussi parce que cela me permet de participer aux activités de soin du pôle, notamment aux prélèvements et à la vaccination", explique-t-elle.

Car il faut bien l’avouer, avec la crise sanitaire, l’activité de la coordinatrice tourne beaucoup autour du Covid. "On réussit à faire entre 250 et 300 vaccins par jour, et franchement, sans pôle de santé, je ne sais pas comment on y serait arrivés", estime-t-elle. Heureusement, il y a aussi d’autres projets, et notamment la livraison toute prochaine d’un nouveau bâtiment qui doit accueillir une nouvelle maison de santé. De beaux projets à venir.

Rencontre avec Hada Soumare, infirmière Asalée au centre de santé du Cygne à Saint-Denis (Ile de France)

 

Asalée, c’est un beau nom, mais c’est aussi une belle idée : des infirmières, spécialement formées, qui accompagnent dans le cadre de protocoles de coopération des patients atteints de maladie chronique, et qui réalisent ainsi des actes nouveaux. Et quand on demande à Hada Soumare, infirmière Asalée au centre du Cygne à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), ce que lui apporte le dispositif, la première idée qui lui vient est la collaboration interprofessionnelle. Asalée nous permet de travailler en collaboration avec les médecins généralistes sur des patients atteints d’une voire de plusieurs maladies chroniques, et d’aborder réellement des questions de prévention et de promotion de la santé, détaille-t-elle.

Mais ce n’est pas parce que la collaboration avec les médecins généralistes est chose habituelle dans un centre de santé que la mise en place d’Asalée se passe sans effort. La relation médecin-infirmière est habituellement basée sur la prescription, alors que là, on est vraiment dans le cadre d’un binôme avec des compétences complémentaires, explique la Dionysienne. Il nous a donc fallu un petit temps d’acculturation pour que les médecins se rendent compte de ce que nous pouvons faire avec les patients.

Reste qu’une fois ce temps d’acculturation passé, Asalée apporte un plus indéniable. On intervient réellement sur un suivi en profondeur, avec des consultations infirmières qui viennent en plus des consultations de médecine générale, précise Hada Soumare. Celle-ci prend l’exemple d’un patient diabétique. On va reprendre avec lui son suivi, voir ce qu’il a compris de sa maladie, voir où il en est de l’adhésion à son traitement, explique-t-elle. On a souvent des personnes qui ont un suivi un peu haché, un diabète non-équilibré, et Asalée nous permet vraiment d’effectuer un suivi plus rapproché.

 

Rencontre avec Laurence Azaïs, infirmière libérale à Carpentras (Vaucluse) et trésorière de la CPTS du Comtat Venaissi


 

Quand, il y a une douzaine d’années, Laurence Azaïs a quitté son poste d’infirmière au CHU de Montpellier pour s’installer en libéral à Carpentras, dans le Vaucluse, une chose lui manquait : le travail en équipe. "Je trouvais qu’en libéral, on est souvent seul, on travaille moins avec des protocoles précis, et on a parfois des difficultés à joindre les médecins quand on a des questions", explique-t-elle. Une situation qui est en train de changer depuis que l’infirmière libérale (Idel) s’est investie dans la création de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du Comtat Venaissin, dont elle est la trésorière depuis sa fondation en 2019.

"Grâce à la CPTS, j’ai rencontré d’autres professionnels, se réjouit-elle. Des infirmières, avec lesquelles on a créé un groupe WhatsApp qui nous est très utile, mais aussi des pharmaciens, des généralistes, des kinésithérapeutes, avec qui nous pouvons échanger sur les difficultés rencontrées par les uns et les autres." Et au-delà de l’interconnaissance entre ses membres, la CPTS permet à Laurence Azaïs de travailler sur des problèmes concrets. "Je suis dans un groupe qui travaille sur le parcours du patient en oncologie, raconte-t-elle. Nous sommes en train de sélectionner des patients traceurs afin de récapituler leur parcours de l’annonce du diagnostic jusqu’à aujourd’hui, afin de voir ce que nous pouvons améliorer."

Rencontre avec Clarisse Goux, infirmière en pratique avancée (IPA) à la MSP de l'île-Rousse (Haute-Corse)


 

Et si la pratique avancée était, pour une infirmière, une façon encore plus intense de vivre la collaboration avec les autres professionnels de santé ? Telle est en tout cas la vision de Clarisse Goux, infirmière en pratique avancée (IPA) à la MSP de l’Île-Rousse, en Haute-Corse. "Je sens véritablement que le concept d’équipe est renforcé par ce nouveau métier, et qu’on réussit enfin à faire percevoir au patient ce que c’est qu’être pris en charge par une équipe de soins primaires", se félicite-t-elle. Il faut dire que la pratique avancée est véritablement ancrée dans son ADN professionnel : dès 2009, elle avait suivi le master de sciences cliniques infirmières de l’université de Marseille, qu’elle a complété en 2019 pour devenir officiellement IPA.

Un cursus qui permet à Clarisse de se sentir véritablement au cœur de sa maison de santé. "Quand un médecin m’adresse un patient, je me rends à son domicile pour un premier entretien, puis j’échange des informations avec l’ensemble des professionnels qui interviennent auprès de lui : cela peut être le médecin, l’ergothérapeute, le Ssiad, les autres infirmières, la tutrice…", détaille-t-elle. Pour elle, le métier d’IPA donne donc du sens au "P" de MSP. "On n’est pas une maison médicale, mais une maison où l’on produit de la santé en pluriprofessionnel", insiste l’infirmière.

Mais il y a une ombre à ce tableau idyllique de la collaboration entre soignants, et elle est de taille : le modèle économique. "L’Assurance maladie considère que nous voyons nos patients quatre fois par an, et c’est sur cette base que sont calculés nos revenus, explique-t-elle. Or nous sommes sur des cas complexes, et je passe beaucoup plus de temps que cela auprès d’eux." Résultat : si elle convertissait son activité à 100 % en pratique avancée, l’entreprise libérale de Clarisse coulerait. Elle conserve donc une activité d’infirmière libérale "socle" et de coordinatrice au sein de la MSP. Sa file active en tant qu’IPA ne compte pour l’instant qu’une trentaine de patients… en attendant des jours meilleurs qui, si l’on en croit les promesses d’Olivier Véran, devraient advenir rapidement.

RETOUR HAUT DE PAGE