"Les infirmières libérales sont des éléments très importants du système de santé pour nous, patients." C’est par ces mots que Vincent Cluzaud, membre du bureau de France Assos Santé Île-de-France, a lancé la première table ronde dédiée à la place de l'Idel dans l'organisation du système de santé, lors des 1res rencontres des infirmières libérales d’Île-de-France, organisées par l'URPS. "Elles sont souvent le dernier recours des patients et sont celles qui les côtoient le plus. Je connais des personnes âgées pour qui l’infirmière qui vient leur faire des soins est peut-être la seule visite qu’ils auront de la journée", a-t-il poursuivi.

Quelles sont les pistes d'évolution pour l'avenir de la profession d’infirmière libérale ? Quels sont les freins qu'elles rencontrent au quotidien ? Pour Albert Lautman, directeur général de la CPAM de l’Essonne, l’un des enjeux les plus importants de la transformation du système de santé est "d’arriver à organiser un travail en équipe autour du patient, dans une approche pluriprofessionnelle où chaque professionnel apporte le maximum de la valeur ajoutée qu’il peut apporter au collectif. C’est un changement culturel qui réinterroge sur la place de chacun et pas seulement les infirmières." Il considère qu'il vaut mieux organiser la complémentarité de ce travail en équipe et faire évoluer les modèles économiques... tout en reconnaissant "volontiers" que celui de l’infirmière en pratique avancée libérale n’est pas encore au point et en affirmant qu'il croit énormément "au rôle de l’IPA". 
 

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Mais si Albert Lautman estime que l’IPA est un métier d'avenir dans le système de santé de demain, il n’en oublie pas moins celui de l’infirmière libérale. "Le rôle des infirmières dans cette culture de l’exercice pluriprofessionnel est majeur. Il souligne l’extension du rôle des infirmières, à la fois dans l’acte de vaccination et dans la prescription. C’est un changement qui aurait été inenvisageable il y a quelques années. Un changement culturel ne se fait pas du jour au lendemain ni contre les acteurs, nous avons besoin de l’adhésion de tous. Nous voyons dans les MSP et les CPTS qui marchent bien, des rapports de confiance qui s’installent. Plus on se connaît et plus on travaille ensemble, plus ces rapports peuvent se nouer."
 


De g. à d. : Renaud Degas, directeur de La Veille Acteurs de Santé et animateur de la table ronde, Frédéric Bizard, Fatima Said-Dauvergne, Arnaud Corvaisier, Albert Lautman et Vincent Cluzaud (crédit : L.P)

"L’exercice en équipe est l’exercice de demain, affirme, pour sa part, Fatima Said-Dauvergne, présidente de la FémsaIF. L’intégration des infirmières dans ces équipes est très importante, mais pas que... Aujourd’hui, leurs compétences ont changé, ont évolué. J’entends beaucoup que l’infirmière est une profession paramédicale : arriverons-nous un jour à une profession à compétences médicales ? Nous avons ces compétences : le Port-a-Cath ; la plaie-cicatrisation… c’est notre cœur de métier, la chimiothérapie et la surveillance à domicile relèvent de nos compétences. Demain, il serait intéressant que nous ayons ces compétences et que nous puissions être reconnus dans ce rôle et pas seulement un rôle sur prescription." Fatima Said-Dauvergne fustige d'ailleurs au passage ces prescriptions "qui ne veulent parfois rien et que nous sommes obligées d’adapter, car nous savons ce qu’il y a à faire. Le médecin ne connaît pas nos compétences, il ne sait pas ce que nous faisons." Voilà pourquoi l’exercice coordonné lui semble être une solution à ce problème : "Cela va vous permettre d’intégrer une équipe dans laquelle vous allez vous connaître et à formaliser un parcours de soins autour des professionnels qui vont s’occuper d’un patient, à l’inverse de l’exercice en silo."

L’exercice pluripro dans la formation initiale

Directeur de l’offre de soins à l’ARS Île-de-France, Arnaud Corvaisier estime, quant à lui, qu’il faut "former davantage d’infirmières, mais aussi les garder lorsque nous les formons. Beaucoup trop d’infirmières abandonnent leur parcours de formation en cours de route, c’est une vraie problématique." Il évoque ainsi une expérimentation régionale avec quatre instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi), qui permet de suivre les terrains de stage et du tutorat organisé dans les établissements de santé. "Le premier stage est essentiel et peut faire fuir lorsqu’il est mal géré ou supervisé. Nous allons essayer d’en tirer des bonnes pratiques pour les déployer ailleurs. Nous allons suivre une cohorte d’étudiants sur plusieurs années, ce qui nous permettra de voir, au-delà de la formation immédiate, de voir les difficultés dans la prise de poste et les premières années professionnelles." 

Concernant les nouvelles compétences, Arnaud Corvaisier s'est rangé à l'avis d’Albert Lautman : "Nous croyons beaucoup à l’intégration des infirmières dans l’exercice coordonné. Elles ont un rôle fort à jouer dans l’organisation territoriale des soins, mais dans le cadre d’une équipe. Je pense que le rôle des uns et des autres dans ces structurations est encore méconnu. Nous avons besoin de parler davantage de ces dispositifs dans la formation initiale et continue. Ce n’est pas qu’un besoin, c’est une aspiration des jeunes."

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