Environ 150 femmes migrantes victimes de violences ont été prises en charge en 2022 par les professionnels de santé et médico-sociaux de la MSP Peyssonnel, dans le cadre d’un protocole dédié. Et c’est le grand nombre de patientes dans cette situation d’extrême vulnérabilité, venant consulter à la MSP, qui a conduit l’équipe à mener une enquête de santé publique sur l’incidence des violences faites aux femmes demandeuses d’asile. Les résultats, publiés dans la revue The Lancet en septembre dernier, sont édifiants : 75 % d’entre elles ont subi des violences pendant leur parcours migratoire ou sur le territoire français depuis leur arrivée. Elles se retrouvent souvent sans titre de séjour, sans logement fixe et sans médecin.

"Notre problématique était l’absence de prise en charge globale proposée à ces femmes, explique Jérémy Khouani, médecin généraliste et co-gérant de la MSP Peyssonnel. Face à leurs récits et à l’ampleur du phénomène, nous avons décidé de leur proposer des soins et un accompagnement médico-social dans le cadre d’un protocole de prise en charge adaptée, validé dans le cadre de l’accord conventionnel interprofessionnel et déployé notamment avec les moyens perçus via l’expérimentation Secpa."

L’ensemble des membres de l’équipe est impliqué dans la prise en charge proposée : médecins généralistes, gynécologue, psychologue, assistante sociale, médiatrice, accueillants médiateurs, infirmière Asalée et infirmière en parcours complexes. Et lorsqu’une patiente arrive à la MSP, deux cas de figure peuvent se présenter. Soit les professionnels de santé sont déjà informés qu’elle a subi des violences sexuelles car elle leur est adressée par des partenaires pour cette raison. Soit ils le découvrent au cours de la consultation. "Dans certains cas, les accueillants médiateurs peuvent écrire des alertes ″vigilance″ dans le dossier de la patiente, en amont de la consultation médicale, lorsqu’ils estiment qu’elle remplit plusieurs critères laissant supposer qu’elle a pu être victime", indique Jérémy Khouani. Avant de préciser : "Être demandeuses d’asile représente une vulnérabilité, nous partons donc toujours du principe qu’elles sont victimes de violences."

Lors de la consultation, si l’entretien est adapté, le médecin peut proposer à la patiente un dépistage des antécédents de violences afin de l’intégrer dans le dispositif de prise en charge. "Parfois, la situation ne s’y prête pas, notamment parce que les enfants sont présents ou parce que le motif de sa consultation fait que ce n’est pas le bon moment, ajoute-t-il. Nous lui proposons alors un autre rendez-vous pour aborder le sujet."

 

Ouvrir un espace de parole

Lors de la consultation, l’objectif des professionnels de santé est avant tout d’ouvrir un espace de parole. "Nous expliquons aux patientes que si elles souhaitent parler de leur parcours d’exil, la MSP est un lieu où elles peuvent le faire", souligne le médecin. Si elles ont subi des violences dans les cinq derniers jours, elles vont généralement être orientées vers les urgences médico-légales. "Sinon, nous leur proposons notre dispositif et elles s’en saisissent en fonction de ce dont elles ont envie, prévient le médecin. Rien n’est figé ni obligatoire." Par exemple, si certaines patientes ne souhaitent pas voir de psychologue, l’équipe va travailler à d’autres orientations.

Les professionnels médicaux peuvent aussi guider leurs patientes vers la médiatrice ou l’assistante sociale. "Lorsque je prends une femme en charge, je fais un point sur l’ouverture de ses droits en tâchant d’éviter une rupture éventuelle, explique Sarah Bengougam, assistante sociale. Je l’interroge sur l’aide alimentaire et sur son hébergement." L’hébergement est justement la problématique la plus difficile à gérer car le 115 du territoire est saturé. "Il s’agit pourtant d’un élément essentiel pour pallier la vulnérabilité, indique-t-elle. Mais je n’ai aucun pouvoir et peu de moyens pour leur trouver des places sauf parfois en foyer mais cela ne répond généralement pas à leurs attentes."

Hors consultation, la MSP ouvre aussi ses portes aux femmes migrantes, qui peuvent participer aux cafés accueil, passer du temps dans la salle d’attente et se mettre en sécurité.

 

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