Il fallait bien une cité de corsaires pour un tel abordage. Saint-Malo, mars 2023 : des usagers participent, pour la première fois aussi nombreux, aux Rencontres nationales annuelles d’AVECsanté. Nombreux, c’est beaucoup dire… si on rapporte ces 8 ou 9 participants aux 1.500 congressistes. "Cela aurait été dommage de ne pas donner la parole aux principaux concernés, justifie un an plus tard Lise Molimard, patiente partenaire. Si on veut développer leur implication, il faut commencer par prendre les idées à droite, à gauche." Alors chargée de mission à Essort, la branche bretonne de la fédération nationale des maisons de santé, elle a fait fi des objections (un "oui mais" et "quelques craintes démesurées", notamment celle de "créer un précédent", rapporte-t-elle) et cherché à inviter des patients.

"Jusqu’alors, hormis quelques représentants de France Assos santé venant défendre les droits des usagers, ceux-ci n’avaient pas leur place aux Rencontres nationales dans la co-construction des ateliers ou à la tribune, ni dans le comité scientifique", poursuit Lise Molimard. Au congrès de Saint-Malo en mars 2023, Patrick Vuattoux, médecin généraliste à la MSP de Saint-Claude, ne portait pas encore la casquette de coprésident d’AVECsanté, mais il a une longue mémoire des Rencontres. Dans un premier temps, confirme-t-il, les usagers invités étaient plutôt des représentants nationaux d’organisations comme France Assos santé "pour avoir leur regard sur la politique des maisons de santé". Et ils étaient peu nombreux au sein des tables rondes, qui se tenaient davantage "entre professionnels, pour se demander, en gros : 'Comment tu fais, toi, dans ta MSP ?'". Puis quelques usagers ont reçu une invitation. Et hissé le pavillon…
 

"Montrer patte blanche"

Ainsi, à Saint-Malo, une patiente-partenaire a été conviée sur la scène d’un atelier consacré à la place des usagers. À Montpellier, en 2024, une usagère a fait son entrée au comité scientifique, un autre s’est exprimé en plénière, d’autres encore dans des ateliers, "moins nombreux que les professionnels de santé mais plus que les années précédentes, se félicite Patrick Vuattoux. On aimerait bien en avoir plus mais il y a un problème de budget…" Le tarif d’entrée – plusieurs centaines d’euros – est en effet un obstacle pour les usagers. À Saint-Malo, précise Lise Molimard, il a été acquitté par leurs MSP ou AVECsanté. "L’usager invité des Rencontres n’a rien à débourser de sa poche", confirme Patrick Vuattoux.

Si ces patients sont montés à bord, ce n’est pas par hasard. À Saint-Malo, ils ont été identifiés par Lise Molimard avec l’aide notamment des fédérations régionales des maisons de santé. "Et cela s’est très bien passé", estime-t-elle. Solenn Merien, patiente-partenaire à la MSP des Rives du Jarlot, faisait partie de l’équipage. "Même dans un milieu qui se dit ouvert, il a fallu montrer patte blanche", nuance celle qui se souvient avoir entendu des conversations entre professionnels de santé visiblement pas tous informés de la présence possible d’usagers dans la salle. Elle décrit "un parler-vrai" peu habituel à l’ouïe des patients. Lors d’un atelier où des patients sont présents, corrobore Patrick Vuattoux, il arrive que des professionnels exercent "une sorte d’autocontrôle de la parole, de peur d’irriter".
 

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