"Je leur apporte la méthodologie et on créer ensemble." L'année dernière, alors que la maison de santé de Kruysbellaert restituait son œuvre au musée d'art contemporain de Dunkerque (Nord), Sylvain Derensy, directeur de la Femas Hauts-de-France est séduit par le projet. "On trouvait que c'était une super idée de le reproduire, mais au niveau régional", se souvient-il. Grâce à l'appui des participants, qui sont allés jusqu’à défendre le concept devant l'ARS, le projet du nom de "Chroniques santé usagers" va alors recevoir un financement "dans le cadre de la démocratie sanitaire", indique-t-il.  

Le concept est le suivant : permettre aux patients atteints de maladies chroniques – "d’où le nom", souligne le directeur de la Femas Hauts-de-France –, sous l'encadrement de l'artiste plasticienne Marie Manecy, de construire une œuvre photographique collective autour de l'expérience patient. Et si ces séances de travail ont "indéniablement" des effets thérapeutiques, elle insiste, "ce sont des séances de travail. Je leur apporte la méthodologie et on crée ensemble. Je suis garante de l'unité, de l'intention artistique, de la cohésion globale, mais ce sont eux qui font les photos."   
 

Le travail du mouvement en photo est souvent utilisé par l'artiste. Crédit : Marie Manecy. 


En amont de sa venue dans les Hauts-de-France au mois de janvier, l'artiste réunionnaise Marie Manecy a débuté ce travail par une série d'entretiens. "L'idée, c'était de s'interroger sur ce qu'est la santé, où elle commence et où elle se termine. Je leur ai demandé quel est leur rapport à la maladie et si elle change leur regard sur le monde, sur les autres, sur eux." Ces entretiens ont ensuite été anonymisés, "et ça nous a donné de la matière à triturer lors des séances de photographie". Par exemple, cite-t-elle, "il y a une phrase dont on s'est beaucoup inspiré : "La santé, on commence à s'y intéresser quand elle s'en va". Ça nous a beaucoup interpellés. Donc on a fait des photos sur la santé qui fout le camp pendant qu'on est en train de faire autre chose. On a aussi fait des photos sur le rapport la douleur, sur l'annonce du diagnostic, la violence et la solitude que ça peut engendrer, complète-t-elle. On a parlé du rapport aux autres, aux associations, de la responsabilité du patient vis-à-vis de sa famille, de comment il peut donner à voir son état, et que c'est finalement être authentique que de ne pas mentir."  

 

"La phase de recherche initiale sur le thème permet de déployer la créativité en photo". Crédit : Marie Manecy. 

 

Lors des premières séances de photographie, Marie Manecy demande aux participants de choisir quelques photographies pour les mettre en commun. "Les patients ont parfois eu la même idée alors qu'ils ne se connaissaient pas encore. D’autres fois, ils ont eu des idées totalement différentes qui ont ouvert les horizons et rapproché les gens. On a créé un peu tous azimuts, résume l'artiste, et après, on s'est recentré sur eux. Ils ont vécu des transformations et peuvent les matérialiser dans ce travail." 

Mais ces séances ne s'arrêtent pas là. Il y aura dans un troisième temps des séances de collage, "pour pousser encore l'imaginaire", affirme l'artiste. Au printemps 2024, cette œuvre collective fera l'objet d'une exposition, d'abord dans un tiers-lieu, "puis les photos feront l'objet d'une exposition itinérante de maison de santé en maison de santé", indique le directeur de la Femas Hauts-de-France. 
 

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