Article publié dans Concours pluripro, octobre 2024
Le rapport dresse un constat sévère sur l'organisation des soins primaires et notamment de l'accès aux soins de premier recours. Une situation qui ne s'est pas améliorée en dépit des nombreux outils mis en place. Que manque-t-il et comment y remédier ?
À notre sens, il manque trois choses. Tout d'abord, un vrai constat opérationnel de ce que les gens vivent dans les territoires, car on a des indicateurs nationaux qui, malgré leurs grandes qualités, sont éloignés du ressenti des patients. En outre, ils présentent quelques défauts méthodologiques, notamment le fait d'être très dépendants des hypothèses et des paramètres choisis, fluctuants selon les études. Au total, aujourd'hui, il y a beaucoup de données disponibles, mais il faut être en mesure de les filtrer pour avoir un tableau de pilotage, non pas national mais par territoire, par département, puis par CPTS.
La stratégie actuelle, qui a sédimenté les mesures successives au fil des années, a aggravé les inégalités entre territoires. Le rapport insiste donc sur le fait qu'en plus de la stratégie décidée au niveau national, il faut une stratégie ciblée sur les territoires les plus en perdition.
On explique qu'il faudrait confier aux collectivités publiques la mission d'"ensemblier", sous l'autorité des délégations départementales des ARS, afin de regrouper les moyens d'action de l'ensemble des collectivités territoires, en vue de corriger les inégalités. L'idée d'un rôle confié en ce sens au conseil territorial de santé est incluse dans la loi Valletoux, mais sa mission nouvelle devrait consister à la fois à construire un outil de programmation et de sélection, au profit des territoires les plus en difficulté et, en amont, à définir des indicateurs pour fonder les priorités géographiques et thématiques (selon les soins qui font défaut).
Il faut également que les leviers utiles s'inscrivent dans des cadres plus nationaux. Aujourd'hui, on se félicite de ce qui se fait ici ou là, mais à un moment donné, il faut des choix structurants pour l'ensemble des territoires. Par exemple, affirmer la délégation de tâches comme grande priorité et en faire une condition des aides aux structures pluriprofessionnelles. Ce qui me frappe, par exemple, au niveau des CPTS, c'est qu'il y a des aides assez conséquentes mais sans obligation de développer les protocoles de coopération. Peu de CPTS se mobilisent sur ces sujets, et c'est aberrant ! S'il y a une mission qui devrait être prioritaire, à leur niveau, c'est bien celle-là !
Faut-il laisser une totale liberté aux professionnels de s'organiser comme ils le souhaitent ?
Il n'y a jamais de totale liberté, la santé est très réglementée. En outre, bon nombre d'aides sont pour une part conditionnées : le système de rémunération intègre par exemple un volet socle et des volets optionnels, où les professionnels peuvent gagner des points (in fine du soutien financier) s'ils remplissent les conditions posées par un cahier des charges national. Globalement, sous réserve de la qualité parfois un peu imparfaite de cet outil financier, il y a quand même un système de régulation. Faudrait-il plus d'éléments réglementaires ? À titre personnel, je pense qu'il ne faut réglementer que quand il n'y a pas d'autre solution. Et pour l'instant, la bonne stratégie, c'est de mettre en cohérence et en résonance l'ensemble des outils disponibles et les prioriser, de les structurer...