En plus de l’indispensable portage par les politiques et les leaders professionnels, l’évolution en cours vers l’exercice coordonné pluriprofessionnel devrait – ou aurait dû – bénéficier de trois mesures d’accompagnement principales, et ceci dans l’ensemble des pays développés. Ces mesures associent, avant tout, une formation initiale des étudiants des filières santé, anticipant le travail en équipe pluriprofessionnelle ; la disponibilité d’un système d’information adapté ; et une politique de rémunération attractive pour l’ensemble des professionnels concernés. Ces mesures ont été diversement mises en œuvre selon les pays.

Pour ce qui est des rémunérations, ce sont encore une fois les États-Unis qui, dans le vaste chantier que constitue l’Obamacare, ont poussé le plus loin les réflexions avant d’afficher les propositions. Ces réflexions/propositions ont été consignées, dès l’année 2010, dans des documents encore accessibles en ligne. Elles ont également été régulièrement actualisées, comme l’atteste la plaquette décrivant l’Alternative payment model.


Du "high-volume" au "high-value"

Pour l’essentiel, la politique de rémunérations diversifiées enclenchée aux États-Unis repose sur un rationnel et deux modalités de mise en œuvre. En conservant les termes originaux, le rationnel implique de passer d’une rémunération fondée sur le high-volume (d’actes) à une rémunération fondée sur la high-value. Ce high-value care étant défini par deux termes : d’une part, la mise en œuvre des "bonnes pratiques" (ce qui va au-delà d’une application mécanique des recommandations) et, d’autre part, l’utilité objectivée par les patients.

Qui pourrait s’en plaindre ? Ces deux modalités renvoient à l’institution de forfaits (pour une séquence de soins ou un sous-groupe de patients) ou d’incitatifs, diversifiant ainsi les modes d’une rémunération autant que possible majorée. Au-delà, il faut encore considérer comme optionnelle la possibilité de maintenir ces nouvelles rémunérations à des professionnels individualisés ou d’en faire bénéficier des équipes constituées, charge à elles d’en assurer la ventilation. Sujet complexe et délicat.

C’est une orientation voisine qui a prévalu en France, en affichant la pertinence des soins et la notion du « paiement combiné » inscrite dans le rapport Aubert, produit en 2018, et progressivement mis en pratique, avec les programmes de soins développés par les professionnels dans le cadre dérogatoire de « l’article 51 ». Reste que les premiers constats faits aux États-Unis sur les effets de ces nouveaux modes de rémunération sont mitigés. Ainsi, un viewpoint publié dans le Jama fin 2018 (4) observe que la politique d’incitatifs et de rémunération bonifiée par la performance (payment for performance, P4P) n’a guère montré de résultats réguliers et constants.

Ainsi, dans nombre de programmes menés depuis 2013, les résultats cliniques objectifs ou ressentis par les malades, ou les coûts des soins n’ont pas toujours montré d’amélioration significative. De plus, dans certains programmes, les médecins se plaignent d’un environnement professionnel dégradé ("burden" lié en particulier à la complexité des systèmes d’information et au calcul des indicateurs cliniques) ou de difficultés supplémentaires pour assurer les soins des malades complexes ou des sujets fragilisés socialement...

Selon les auteurs, ces résultats mitigés tiennent à ce que les professionnels ne s’engagent pas suffisamment dans ces programmes trop compliqués, trop administrés et dans lesquels ils ne se "retrouvent" pas... Finalement, c’est un appel à la simplification.

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