Article publié dans Concours pluripro, décembre 2021

Les expertises "sont des procédures, le plus souvent collégiales, où se réunissent des experts pour documenter ou recommander une attitude dans le cadre d’une méthodologie préalablement énoncée". En France, l’expertise, pratique ancienne dans le domaine scientifique en santé, a la particularité d’être fractionnée entre de nombreuses institutions : Santé publique France, la Haute Autorité de santé (HAS), l’Agence de sécurité du médicament et des produits de santé, le Comité consultatif national d’éthique, le Haut Conseil de la santé publique… réunies au sein du Comité d’animation du système d’agences (CASA). Christian Saout estime que, même si l’on "sait produire des expertises de très haut niveau en France", il existe "un brouillard entre expertise scientifique et expertise prédécisionnelle qui a vocation à générer une décision publique". Il concède également que la haute qualité des expertises fait qu’elles ne sont pas souvent "accessibles" en dehors d’un cercle d’initiés. Autre limite : les attentes des usagers-patients ne sont pas suffisamment prises en compte.

Covid-19

L’ex-président du Collectif interassociatif sur la santé pointe que si "les défis des experts en temps de paix sont déjà importants, ils s’accentuent en temps de crise". Les expertises ont tendance à se chevaucher, et la coordination est timide. Avec la crise sanitaire, l’urgence a posé des difficultés à des experts ayant l’habitude de rendre des travaux dans un délai d’un an en moyenne. "Sans parler de l’évolutivité des connaissances, de l’échelle massive de l’épidémie et de ses conséquences systémiques." Une solution a été adoptée par la HAS : la mise en place de "Réponses rapides" – des fiches avec mise à jour en fonction des données existantes. L’État a installé des "expertises spéciales", comme le comité scientifique placé auprès du Premier ministre, le CARE, ou encore le comité stratégique d’organisation de la vaccination. Les "expertises courantes" ont été déstabilisées par la création de ces instances. Christian Saout l’a vécu de l’intérieur à la HAS, et admet que "cela a provoqué un mouvement de sidération : on s’est senti disqualifié ! ". La crise sanitaire a donc mis en avant une "concurrence" des expertises. Pour Patrick Hassenteufel, ce n’est pas surprenant : "Dans les coulisses de l’expertise il y a forcément des luttes de savoirs, des luttes disciplinaires et de hiérarchie… "

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