Article publié dans Concours pluripro, octobre 2024
 

En tant que délégué ministériel à la Psychiatrie et à la Santé mentale, comment voyez-vous l'émergence des CPTS et leur implication dans le domaine de la santé mentale ?

Je trouve que c'est une implication qui arrive au bon moment car nous sommes dans une période de mouvement dans la manière dont les différents dispositifs s'articulent entre eux au niveau des territoires. La meilleure preuve, c'est que la Fédération des CPTS a lancé l'année dernière une initiative pour promouvoir leur action dans le domaine de la santé mentale. Il en est résulté une boîte à outils (voir schéma de l'article "Quelle feuille de route ? Quelles ressources ? Quelle pérennité des projets ?") dont les CPTS, qui ne savent pas encore trop par quel bout prendre la santé mentale, peuvent se saisir.

Et comment comptez-vous accompagner l'intégration des CPTS dans le secteur ?

Pour déployer les politiques de santé dans le cadre de la feuille de route dont j'ai la charge, nos outils sont les plans territoriaux de santé mentale (PTSM), qui sont par définition pluriprofessionnels et plurisectoriels. Pour ces PTSM, les acteurs ont généralement choisi l'échelle du département, qui ne correspond donc pas à celle des CPTS. Mais nous battons la campagne, nous en sommes à notre troisième tour de France des PTSM, et nous continuons à leur conseiller d'inclure les CPTS. Lorsque je suis intervenu il y a quelques mois devant la Fédération nationale des CPTS, j'ai fait l'inverse : j'ai dit que la manière la plus simple de construire quelque chose en santé mentale au niveau des territoires, de contribuer aux parcours, c'était de contacter le coordonnateur du PTSM et de se faire inviter aux groupes de travail.

Concrètement, quels sont les parcours en santé mentale pour lesquels les CPTS peuvent selon vous le plus et le mieux contribuer aux PTSM ?

En ce qui concerne les enfants et les adolescents, tout d'abord, je pense que les CPTS peuvent jouer un rôle dans le repérage précoce des souffrances psychiques et servir de médiateurs pour une orientation vers les soins spécialisés, le cas échéant. Par ailleurs, il faut rappeler que les personnes qui ont une pathologie psychiatrique sont très vulnérables pour un grand nombre de pathologies physiques, qu'il s'agisse de diabète, de maladies cardiovasculaires, de syndrome métabolique... Or 50 à 70 % d'entre elles n'ont pas de médecin traitant. C'est à mon sens un partenariat évident à nouer avec les CPTS. Mais cela doit marcher dans les deux sens : les membres d'une CPTS, que ce soit lors d'une prise en charge par un kinésithérapeute, un diététicien, un médecin généraliste, une infirmière, sont amenés à repérer des situations de souffrance psychique et doivent pouvoir les orienter vers une prise en charge en santé mentale.

Comment éviter que dans un réseau d'acteurs en santé mentale déjà très dense, la CPTS ne soit qu'une strate de plus, ajoutant de la complexité à la complexité ?

L'enjeu n'est pas, selon moi, de dire qu'il y a trop de dispositifs, qu'on est face à un mille-feuille. L'enjeu, c'est d'assurer la coordination entre tous les intervenants. Les CPTS doivent s'accorder avec les PTSM, les CLSM, les dispositifs d'appui à la coordination (DAC), etc. Aujourd'hui, l'objectif – et c'était l'une des vocations de la boîte à outils dont je parlais –, c'est que chacun s'y retrouve mieux, à l'échelle d'un territoire, pour savoir qui fait quoi. Mais c'est vrai que cela nécessite un travail d'acculturation réciproque, et nous n'en sommes qu'au début : même pour les PTSM, qui ont commencé à se mettre en place à partir de 2017, on n'en est qu'à l'aboutissement de la première génération d'un travail qui vise à intégrer l'ensemble des acteurs d'un parcours de santé mentale. Il est naturel que les choses prennent du temps, mais nous sommes convaincus que ce travail de coordination a du sens.

Comment imaginez-vous l'intégration des CPTS dans la santé mentale dans trois ou quatre ans ?

J'espère une généralisation de la participation des CPTS aux PTSM, avec de vrais modes de coopération et d'intégration des différents acteurs. Et je rappelle qu'un parcours en santé mentale peut notamment intégrer des acteurs de la prévention, de l'inclusion, du logement, de la formation, du travail, du sport, de l'accès à la culture et bien sûr des acteurs du soin. C'est un ensemble de partenaires qu'il faut mettre autour de la table pour que le parcours soit continu et fluide. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, cela nécessite d'opérer par strates successives. Nous espérons lancer en fin d'année les PTSM 2.0, qui permettront d'accélérer ce mouvement. Et, pour moi, l'enjeu est de passer la main aux acteurs des territoires : il faut donner un cadre de travail, et non des directives top-down qui descendent du ministère.

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