Le fait de porter et/ou de participer à un "article 51" peut-il s’apparenter à une forme de recherche ?
Au premier abord, il est difficile d’assimiler directement le fait de porter une expérimentation dans le cadre de l’« article 51 » à de la recherche en soins primaires, même si celle-ci a pour cadre ce champ des soins primaires. Car dans l’"article 51", il n’y a pas d’inscription dans un exercice scientifique à proprement parler, ce n’est pas l’objet du dispositif.
Mais ce n’est pas complétement distant non plus, puisque, par définition, nous sommes dans un cadre expérimental dans lequel nous testons une organisation innovante dont nous allons vouloir mesurer et évaluer les effets. Cette évaluation n’est pas un travail scientifique, mais elle s’appuie ou s’inspire de certains standards méthodologiques, scientifiques, avec un cadre normé. On pourrait donc se dire que participer à un « article 51 » correspond à une forme de recherche mais avec une finalité plus opérationnelle.
A contrario, un lien existe également dans l’autre sens. Par exemple, pour proposer les expérimentations Peps, Ipep et EDS (épisode de soins), nous nous sommes appuyés [la Cnam et le ministère, NDRL] sur la recherche en soins primaires et sur les publications scientifiques qui faisaient état de certains éléments intéressants à l’étranger sur l’usage de ces modes de rémunération.
Plusieurs expérimentations traitent de dérogations financières. Peuvent-elles être à la base de recherches sur la rémunération et le financement des structures d’exercice coordonné ?
Dans le cadre de l’expérimentation "Incitation à une prise en charge partagée" (Ipep), deux maisons de santé qui y ont participé ont conduit et encadré des travaux de thèse de médecine au sujet de l’expérience patient en lien avec le déploiement de l’expérimentation dans la structure. Si nous restons dans le domaine des soins primaires, cela reste des petites équipes qui doivent entamer des recherches de financement et des démarches administratives lourdes. Il faut donc la capacité à mener à bien ces projets.
Dans le cadre de l’"article 51", le projet à porter est tout aussi lourd, mais il y a un cadre d’accompagnement. Il y a sans doute d’autres acteurs qui, à l’avenir, seront de véritables équipes de recherche en soins primaires. Et nous avons un bon terrain de jeu, grâce à l'"article 51".
Dans le cadre des expérimentations Peps, Ipep et EDS, nous ne sommes pas dans le format des autres évaluations de l’"article 51", puisqu’elles ont été confiées directement à des équipes de recherche, les deux premières à l’Irdes, et la dernière à l’EHESP. Ces derniers vont produire des évaluations dans le cadre formel "article 51", mais l’Irdes a, par exemple, déjà publié des rapports de son évaluation de Peps et d’Ipep. Nous pouvons dire qu’ils sont donc déjà lancés dans cette voie.
Est-ce que des dispositifs "article 51" ont donné lieu concrètement à des projets de recherche ? Ou, inversement, des projets de recherche ont-ils abouti à des expérimentations "article 51" ?
Aujourd’hui, 156 expérimentations ont été autorisées sur le territoire sur les 1.258 projets déposés. J’ai identifié plusieurs cas de figure, de différentes natures, dans lesquels l’"article 51" est lié à un sujet de recherche. Par exemple, on a des expérimentations et des expérimentateurs qui, dans ce cadre-là, souhaitent aller plus loin et deviennent instigateurs d’un vrai travail de recherche qui s’appuie sur leur expérimentation mais qui sort du cadre du dispositif. Ce travail de recherche n’a pas vocation à venir compléter les éléments d’évaluation établis pour l’expérimentation, mais, sans nul doute, c’est bien cette évaluation et l’"article 51" dont elle découle qui s’avèrent être le moteur de cette recherche.
On est parfois sollicités par des expérimentateurs qui aimeraient notamment utiliser les données de l’évaluation pour conduire des travaux de recherche. On les comprend : c’est une occasion unique d’avoir autant de données qui leur sont consacrées. Cependant, pour certaines données, comme celles issues du Système national des données de santé (SNDS), on bénéficie d’une autorisation unique de la Cnil pour l’exploitation de ces données, mais uniquement dans le cadre de l’"article 51".
À l’inverse, sur les 1 258 projets déposés, il y a eu des cas de figure dans lesquels les projets proposés étaient trop axés sur la recherche et ont donc été réorientés vers les financements adaptés.