Le plan « Ma santé 2022 : gradation des soins, territoire et médicalisation » vise à restructurer l’accès aux soins et à faire en sorte que l’exercice isolé se réduise progressivement pour devenir, selon les termes du Président, « une aberration » en 2022, et que les hôpitaux puissent offrir une graduation des soins et l’accès à des filières mieux coordonnées. Ce contexte explique, en partie, la faveur dont jouissent depuis lors les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) créées par la loi Touraine en 2016.

Si les CPTS apparaissent comme « la » solution opérationnelle pour mettre en oeuvre les orientations phares de ce plan, c’est parce qu’elles répondent à des problématiques communes à plusieurs acteurs et objectifs de santé, qui se déploient non plus à l’échelle d’une patientèle mais d’un territoire. En consacrant la coordination territoriale entre professionnels de santé et du secteur médico-social, les CPTS constituent donc potentiellement un instrument de dialogue entre la ville et la ville, voire entre la ville et l’hôpital.

Mais comment travailler ensemble quand deux systèmes de régulation coexistent : l’un décentralisé, car relevant des collectivités locales, et l’autre déconcentré car relevant des agences régionales de santé (ARS) ? Cette tension constitue un point d’achoppement pour ces structures. Comment coordonner quand, d’un côté, la décentralisation signifie que la cohérence du territoire se définit avant tout localement et quand, de l’autre, les politiques publiques nationales définissent des principes généraux à atteindre ?

Les CPTS pourront-elles à terme rendre l’hôpital plus accessible à la ville ?

L’intérêt des CPTS est qu’elles permettent un partage unifié des problématiques de santé entre les élus, les ARS et l’Assurance maladie pour une approche populationnelle de la santé qui en fait une organisation ancrée sur son territoire mais également capable de porter des enjeux collectifs plus universels. Si une politique d’ensemble permet d’articuler le monde de la santé et celui du médico-social dans une optique de santé publique, les CPTS pourront être un instrument crucial de la santé de demain.

Les enjeux d’accessibilité, de prise en charge de qualité et de coordination des soins dans un contexte d’augmentation de la dépendance, des maladies chroniques et de polypathologies soulèvent, en effet, la question majeure de l’articulation à construire avec les structures déjà existantes. À l’hôpital, faut-il y voir un moyen de réduire les dépenses de santé ? Des fermetures de services peuvent-elles en être le corollaire au motif que les CPTS pourraient les « décharger » par une prise en charge ambulatoire mieux structurée ? Les CPTS pourront-elles à terme rendre également l’hôpital plus accessible à la ville : en développant des actions communes ? En répartissant autrement les missions et sphères de compétences ? Une réponse positive implique que les professionnels libéraux se saisissent de missions d’intérêt général, mais nécessite aussi que les hôpitaux de proximité et les CHU leur donnent un rôle à jouer. L’année 2021 permettra de voir comment chacun des acteurs se saisit, ou pas, de l’opportunité que représentent les CPTS.

À ce stade, les questions qui restent posées sont celles des moyens et de la gouvernance de ces structures, celle du territoire de santé adéquat et du degré d’incitation (ou de contrainte) auquel seront soumis les professionnels pour y participer. Encore en construction, la CPTS est un outil modulable qui, en s’appuyant sur le flou définitionnel qui inquiète les acteurs, peut s’avérer être autant un avantage qu’un inconvénient : l’absence d’une définition trop stricte peut créer, voire renforcer, une hétérogénéité sur des territoires déjà diversement dotés mais elle permet aussi des usages différenciés des CPTS selon les besoins des territoires. Et cette adaptabilité sera précieuse pour faire face à la crise sanitaire et sociale.

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