Médecin généraliste à Mayenne deux jours par semaine et médecin régulateur. Médecin coordinateur de la permanence des soins. Président du syndicat départemental et régional de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Président national Les Généralistes-CSMF. Les activités du Dr Luc Duquesnel sont nombreuses. "Cela doit être maladif", plaisante-t-il à moitié, dans son bureau de la CSMF, dans le 17e arrondissement de Paris. Sa ressource ? L’exploitation agricole familiale qu’il a reprise. "Élever mes chevaux et faire les foins au début de l’été, c’est le seul moment dans l’année où je m’autorise à mettre entre parenthèses mes autres fonctions. C’est capital, cela me ressource." 

Car le reste de l’année, place à son engagement syndical et politique. Celui-ci date des années 1980, des premières années à la faculté de médecine d’Angers où rapidement il prend la tête de la Corpo Médecine. "L’engagement syndical, c’est en moi. C’est par atavisme, reconnaît-il. Mon père, qui était agriculteur, était à la tête d’un syndicat agricole. J’ai baigné dedans." Ce qui lui plaît ? "Transformer les organisations actuelles lorsqu’elles ne sont plus adaptées, évoluer, parvenir à convaincre, raconte-t-il. On peut toujours se morfondre et être dans le 'subir', mais on peut aussi regarder devant soi et proposer de nouvelles organisations."


Leader des généralistes 

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il prend, en 2000, la tête du syndicat CSMF à l’échelle départementale. "J’ai choisi ce syndicat car il a la richesse de ne pas envisager la médecine libérale uniquement sous l’angle de la médecine générale. J’ai toujours considéré qu’il fallait travailler avec les autres médecins libéraux." Il s’investit aussi dans l’union régionale des médecins libéraux (URML) des Pays de la Loire, dans le mouvement de la permanence des soins. "Quand on travaille sur les questions d’organisation, sur la convention médicale, on a vite envie d’aller voir plus loin. J’ai voulu associer les revendications à la défense de la profession." Après avoir goûté à l’engagement à l’échelle départementale, il vise plus haut, et arrive à la tête de la représentation nationale des médecins généralistes en 2013 pour travailler avec les partenaires institutionnels, à la réorganisation du système de santé.

"Nous sommes en train de vivre sa transformation totale, comme je n’en ai jamais connu en trente ans, analyse-t-il. La dernière réforme importante était la réforme Debré et elle ne concernait que les hôpitaux. Aujourd’hui, tous les acteurs du sanitaire, du social, du médico-social sont concernés. Je crains que les professionnels de santé libéraux ne puissent pas se saisir de cette opportunité qui leur est offerte par manque de temps. Mais ce qui me plaît, c’est que le système actuel nous permet d’être force de propositions au niveau local."


Préserver les conditions de travail

Le niveau local… Parlons-en. Car il a toute sa place dans la carrière du médecin. Dès son installation en libéral, il fait le choix de l’exercice collectif. En 1988, les contours de ce qui est devenu, en 2018, un pôle de santé se dessinent déjà. C’est en décembre 2007 que le médecin prend l’initiative de réunir les professionnels de santé libéraux de son territoire pour réfléchir à la réorganisation de leur secteur après le départ en retraite d’un confrère, qui avait la patientèle la plus importante de la commune de 15 000 habitants. "Beaucoup de professionnels de santé sont venus à cette réunion, des médecins, des infirmiers, des masseurs-kinésithérapeutes. Nous avons convenu qu’il nous fallait un projet de santé plus large que l’échelle de la ville. Nous nous sommes basés sur le territoire de garde, en associant les zones rurales, soit un bassin de population d’environ 40 000 habitants." 

Une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) avant l’heure… La mairie s’associe au projet de santé territorial, un consultant est choisi pour accompagner l’écriture. Après un an de travail, une association loi 1901 est créée, et le Dr Duquesnel devient le président du conseil d’administration. La structure perçoit en 2009 les nouveaux modes de rémunération et devient une MSP multisites. Vient la création de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) dont il cogère le comité de gestion. "C’est très important pour moi d’être impliqué sur le territoire, de réfléchir à la façon de répondre au mieux aux demandes de soins des patients tout en préservant nos conditions de travail. L’exercice coordonné entre les professionnels de santé et le secteur social et médico-social est devenu indispensable." 

Aujourd’hui, la structure multisites regroupe 4 MSP, 90 professionnels de santé libéraux dont certains exercent en cabinet satellites, pour un bassin de population de 45 000 habitants. "Nous avons enrichi notre projet de santé, nous menons des actions pour prévenir la perte d’autonomie des personnes âgées ou encore les hospitalisations." Une autre étape a plus récemment été franchie puisque 45 des professionnels de santé impliqués ont décidé de se regrouper dans une seule structure d’environ 2 300 m2 qui a ouvert ses portes en septembre 2018. "La proximité n’est ni nécessaire ni suffisante à un exercice coordonné, mais elle est aidante", considère-t-il. Le laboratoire de biologie médicale, la pharmacie, une antenne de la CPAM et la Maison de l’autonomie se sont également installés à côté.


Partager des fonctions supports

Certains professionnels de santé du pôle ont voulu pousser plus loin l’organisation. "Avec la cogérante de notre pôle de santé, Tiphaine Heurtault-Renaudier, jeune médecin généraliste, et Pascal Gendry, président de la Fédération française des maisons et pôles de santé [FFMPS], nous avons mené une réflexion concernant notre département, qui a la spécificité d’être organisé autour d’importantes MSP multisites. Toutes ont des projets de santé territoriaux et nous avons chacun mis en place une coordination territoriale d’appui [CTA]. Il était selon nous dommage que les autres professionnels de santé, qui ne sont pas dans nos pôles, ne puissent pas disposer des fonctions supports que nous avons mises en place." 

Les trois confrères décident de démarcher l’Agence régionale de santé (ARS) début 2015 pour proposer la création d’une CTA à l’échelle départementale afin de mettre à disposition des professionnels libéraux une fonction support pour la prise en charge des patients en situation complexe. Une plateforme territoriale d’appui (PTA) avant l’heure… "L’ARS nous a suivis et a financé un consultant pour nous accompagner à l’écriture du cahier des charges", précise-t-il. Si l’objectif de départ était uniquement d’être l’interlocuteur des libéraux, l’ARS a ensuite demandé à l’équipe de répondre aux sollicitations de l’ensemble des professionnels du secteur sanitaire et médico-social.

Depuis, la loi santé de 2016 a créé les plateformes territoriales d’appui (PTA), et la plateforme d’appui libérale à l’exercice coordonné (Palex) est née en septembre 2017. "Cette organisation nous a permis de développer des formations pluriprofessionnelles à l’échelle du département, une démarche fondamentale pour s’approprier l’exercice coordonné", fait-il savoir, notamment sur le dispositif personnes âgées en risque de perte d’autonomie (Paerpa) ou le dossier médical partagé (DMP). Et de conclure : "Aujourd’hui, il faut mener une réflexion sur les territoires, car nous allons tous évoluer vers les CPTS. Il faut s’interroger sur comment être plus efficaces, pertinents, se demander comment exister demain, dans l’organisation du système de santé de nos territoires, par rapport aux groupements hospitaliers de territoire [GHT]. Nous ne voulons pas être uniquement des petites mains".

Bio express

1977 : début des études de médecine à Angers

1981 : président de la Corpo Médecine

1988 : installation en libéral à Mayenne

2000 : président du syndicat départemental CSMF-53

2013 : président national du syndicat Les Généralistes-CSMF

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