"La médecine générale, c’est une discipline qui s’occupe du patient dans sa globalité, avec les autres acteurs du territoire et avec les autres niveaux de soins." Le Dr Marie-Hélène Certain décline ainsi la vision qu’elle porte au quotidien auprès de ses patients, de ses confrères et consœurs, des autorités politiques et sanitaires… depuis plus de trente ans. Longtemps membre actif de MG France, aujourd’hui secrétaire générale du Collège de la médecine générale, elle vient d’inaugurer une maison de santé pluriprofessionnelle aux Mureaux, dans les Yvelines. C’est "un aboutissement : vous faites du syndicalisme, vous défendez un métier, une discipline, et cætera. Et concrètement, au bout du compte, il y a une réalisation. Ce ne sont pas que des mots", s’émeut-elle.


La médecine générale, un choix

Sa vocation pour la médecine tient d’un héritage familial, avec un grand-père et deux oncles médecins généralistes. Ce qui n’était pas encore une spécialité tient également d’un choix délibéré : "Je n’étais pas attirée par le côté technique ou par un organe, c’était plus le côté éclectique, global, humain. J’ai donc choisi la médecine générale et ça ne m’a jamais posé de question." Après une première installation dans la Nièvre, elle revient exercer dans son département d’origine, les Yvelines. Mais préférant aux quartiers chics de sa ville natale, Versailles, un environnement plus populaire, Les Mureaux : "c’est super, la médecine qu’on fait ici. Tous les jours, on voyage. Sur le plan médical, on voit, hélas, de tout. On est en plein dans les inégalités sociales de santé. Le contexte psychologique, psychorelationnel, social est souvent aux premières loges. La globalité, on la vit au quotidien. Et ces situations-là, tout seul, dans des consultations à l’acte, ce n’est pas possible. On est obligés d’être en équipe, de faire du lien avec le social." 


Un engagement

Marie-Hélène Certain s’est investie dans sa profession bien au-delà de l’exercice pratique. D’abord auprès de MG France, dès la création du syndicat, en 1986 : "J’ai toujours eu des engagements, pour défendre une vision du métier, alors que la médecine générale était à l’époque la dernière roue du carrosse. J’ai beaucoup travaillé sur la formation continue, conventionnelle, en devenant secrétaire générale puis présidente de MG Form. Et chez MG France, j’ai ensuite travaillé sur le référentiel professionnel et créé le dispositif de bilan de compétences pour les médecins généralistes en 2001 : un dispositif très original que l’on va remettre au goût du jour", détaille-t-elle.

Puis intervient "l’aventure du Collège". Le Dr Certain fut une des actrices de la création de ce Collège de la médecine générale, en 2009. "Nous sommes partis de zéro pour construire une structure pérenne. Tout était à faire : une vision pour le Collège, une équipe, des projets, des procédures, les liens avec les partenaires, avoir des financements…", se souvient-elle. Une gageure que de regrouper toutes les composantes de la médecine générale : les quatre syndicats, les sociétés scientifiques, la représentation académique et une composante associative avec les associations de formation, SOS Médecins, les jeunes médecins, etc. Au total, 24 structures qui permettent désormais au Collège "de labelliser, coordonner et légitimer des travaux réalisés conjointement, d’avoir une expertise et d’être un interlocuteur pour les institutions", explique le médecin.

La "marque de fabrique" du Collège, pour elle, c’est que "la médecine générale est une discipline scientifique, avec des concepts, des contenus, des recommandations pour lesquels il faut développer la recherche en soins primaires. Et c’est aussi une discipline d’exercice, c’est-à-dire un métier. Et l’un ne va pas sans l’autre. Tous les travaux du Collège doivent avoir des bases scientifiques mais il faut aussi penser métier, parcours de soins, de santé, application sur le terrain, faisabilité, comment travailler en équipe sur un territoire…".


Au coeur des soins primaires

La MSP, c’est donc pour elle le modèle le plus abouti de cette pratique de la médecine générale, même si "ça ne peut pas être le modèle unique. Certains médecins préfèrent travailler seuls ou dans de petites structures, mais la dynamique de pôle est importante : il faut que la MSP sorte de ses murs et que les autres y entrent". Il aura fallu près de sept ans pour que cette MSP des Mureaux, baptisée Philippe-Marze en hommage à ce confrère parti trop tôt, voie le jour.

L’idée était née en 2001 "avec d’autres médecins déjà engagés professionnellement : le Dr Pascal Clerc, dans la recherche et l’enseignement, le Dr Arnaud Tesmoingt et moi dans le syndicalisme, puis sur la ville des Mureaux. Nous étions dans la mouvance de l’évolution du métier : regroupement, pluriprofessionnalité… On s’est dit que ce serait bien de faire une maison de santé et même un pôle de santé. Il y avait en plus l’enjeu démographique : la moyenne d’âge des médecins généralistes aux Mureaux était de plus de 55 ans. Nous savions déjà que ça serait à terme la 'cata' et depuis, une dizaine sont partis en retraite, en maladie ou décédés. Et des anciens, qui avaient de grosses patientèles. On n’est plus qu’une vingtaine de généralistes. Nous avions anticipé la situation qui est maintenant une évidence pour tout le monde. Mais à ce moment-là, il a fallu convaincre les élus locaux et ils ont mis un peu de temps", confie le Dr Certain.

Le projet visait donc à conserver et même étoffer l’offre de soins primaires dans le secteur pour faciliter l’accès à la santé et un parcours de soins du patient atteint de maladie chronique, notamment de diabète, compte tenu de la forte population issue d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne. Également sur la table : un projet avec la mairie sur l’obésité chez les jeunes, le repérage des patients âgés fragiles, l’enseignement (la MSP compte trois maîtres de stage, une chef de clinique et un enseignant associé), la santé mentale, les "dys", un parcours maternité… Les sujets ne manquent pas ! La MSP compte pour l’instant 9 généralistes, 5 infirmières (bientôt 6) et 1 infirmière Asalée, 1 podologue, 2 psychologues, 3 psychomotriciennes, 3 secrétaires et une coordinatrice en santé, sans compter des spécialistes (ophtalmologue, ORL, diabétologue, radiologue), indépendants de la MSP mais qui exercent dans le bâtiment.


L’heure de la transmission

Dans ces locaux flambant neufs, grâce à l’investissement d’un bailleur privé, "nous avons des conditions très agréables pour travailler. Cela redonne de la motivation". C’est donc avec fierté qu’elle nous reçoit dans la salle de réunion : un endroit "hyper important. Ici, on parle, les gens mangent ensemble, on échange, ça crée de la convivialité. On y organise aussi des RCP (une à deux par mois) et des réunions à la demande. Les prochaines prévues porteront sur le diabète et le parcours de la femme enceinte." Elle se donne deux ans pour peaufiner ses travaux au sein du Collège de la médecine générale et accompagner la jeune équipe de la MSP dans ses nouveaux projets avant de les laisser voler de leurs propres ailes. Quant à elle, toujours en mouvement, elle s’adonnera à ses autres activités : sa famille, la randonnée, le ski, et la navigation fluviale, passion qu’elle partage avec son mari.

Bio express

1954 : naissance à Versailles

1979 : doctorat en médecine générale

1980 : première installation dans la Nièvre

1985 : nouvelle installation dans les Yvelines, aux Mureaux

1986 : entrée à MG France

1989 : secrétaire générale puis présidente de MG Form en 2000

2009 : cocréation du Collège de la médecine générale

Décembre 2017 : ouverture de la MSP Philippe-Marze, aux Mureaux

RETOUR HAUT DE PAGE