Le sujet n’est pas récent : les logiciels médicaux existent depuis les débuts de la réglementation encadrant les dispositifs médicaux, avec notamment un marquage CE. À titre d’exemple, ceux embarqués dans les systèmes d’imagerie médicale. Mais quid des logiciels « borderline » comme certains logiciels d’aide à la prescription (LAP) qui, conçus au départ comme des bases de données en ligne, ont intégré des fonctions supplémentaires et des données individuelles de patients ? « Ils sont tombés dans le domaine du dispositif médical sans même que l’on s’en aperçoive », note Cécile Vaugelade, directrice des affaires technico-réglementaires du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem)… D’où la mise en place d’une procédure de certification de ces logiciels.

À l’occasion d’un recours déposé contre le décret du 14 novembre 2014 relatif à l’obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription médicale et à la dispensation, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’« un logiciel dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation de données propres à un patient, aux fins, notamment, de détecter les contre-indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical, au sens de ces dispositions, et ce même si un tel logiciel n’agit pas directement dans ou sur le corps humain »*.

Des critères cumulatifs

La Cour de justice rappelle ainsi la définition règlementaire du dispositif médical (DM). Qu’il soit un matériel, un logiciel ou une solution d’intelligence artificielle, il doit être utilisé chez l’homme à des fins diagnostiques ou thérapeutiques et apporter un bénéfice à un patient donné. Ce qui exclut, par exemple, les outils d’épidémiologie ou les logiciels de gestion administrative de patients qui n’ont aucune finalité diagnostique ou thérapeutique. « Ce qui différencie un DM d’un logiciel de bien-être, par exemple, c’est qu’il va créer une information médicale nouvelle qui permettra de prendre une décision », rappelle Florence Ollé, responsable des affaires réglementaires au Snitem, lors d’un atelier presse le 15 janvier dernier.

Fixée par l’éditeur, la revendication de « destination » [l’utilisation attendue, NDLR], aussi appelée revendication, peut se révéler insuffisante malgré un marquage CE. Ainsi, dans une décision du 12 janvier 2015, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a rappelé qu’un logiciel d’enregistrement et de stockage de données issues d’examens médicaux ne constituait pas un DM malgré son marquage CE.

Nouvelle réglementation : quelles retombées ?

En vigueur le 26 mai prochain, la nouvelle réglementation se traduira par un renforcement des exigences en termes d’évaluation clinique et de surveillance post-mise sur le marché. Les logiciels n’y échappent pas : évaluation clinique, surveillance post-commercialisation, cybersécurité, management de la qualité… Il appartiendra aux organismes notifiés de vérifier, lors des procédures de certification, la conformité à ces diverses exigences. Mais c’est surtout le classement des logiciels qui évoluera avec, à la clé, de nouvelles obligations à la charge des éditeurs. Nombre de produits en classe I passeront ainsi à des classes supérieures avec des contraintes plus fortes.

Il est à craindre que ce renforcement des exigences, ajouté à une fixation des prix plus libre, n’incite les éditeurs à choisir les États-Unis pour la première mise sur le marché de leur produit. « C’est très probable », pense Alexandre Capet, directeur général France de Voluntis qui vient de lancer Oleena, une thérapie digitale en oncologie, sur le marché américain.

* Contenu et conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 7 décembre 2017 », ANSM. 

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