Déjà un constat : lorsqu’une technologie ou une thérapie innovante est mise au point, il est légitime de souhaiter que les patients qui en ont besoin en bénéficient le plus rapidement. Or, les choses ne sont pas toujours aussi simples. Car le parcours est souvent long, à compter du marquage CE et surtout l’admission au remboursement. Et seule la prise en charge de l’Assurance Maladie dans le droit commun peut permettre une diffusion large sur le territoire.
En France, l’évaluation d’une innovation en santé est menée par la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux de la HAS. Et le premier critère d’évaluation va résider dans l’amélioration du service rendu au regard de l’intérêt du produit et de son impact sur la santé publique de la population.
Ce dispositif d’évaluation pâtit de deux handicaps : le dispositif médical ne peut pas bénéficier, notamment pour des raisons éthiques, de l’essai randomisé, le "gold standard" de l’évaluation des médicaments. L’"evidence based médicine" s’applique davantage à la médecine qu’à la chirurgie, faisait remarquer le Pr Morgan Roupret, urologue à la Pitié-Salpêtrière, aux 10e Rencontres du progrès médical, organisé par le Snitem le 13 décembre dernier, qui plaide pour la mise en place de registres, comme celui de la robotique créé à l’AP-HP.
Deuxième handicap, l’imparfaite prise en compte des données de santé publique. Et on peut citer plusieurs exemples où de réelles innovations de rupture ne bénéficient pas à l’ensemble de la population, bien des années après leur mise sur le marché. En voici deux. Tout d’abord, la thrombectomie mécanique, technique utilisée pour traiter les AVC ischémiques les plus graves, doit être réalisée dans les six heures suivant les premiers symptômes. D’où l’intérêt de mailler le territoire et de permettre à une majorité de la population, et non plus à ceux qui ont la chance d’habiter dans les métropoles régionales, d’avoir accès à cette technique. Si à son apparition en 2015, elle ne pouvait être réalisée que dans les centres de neurologie interventionnelle exclusivement situés au sein des CHU, un décret du 10 janvier 2022 a permis l’ouverture supplémentaire de 18 "centres de mention A" dédiés uniquement aux thrombectomies à côté des 40 centres de NRI.
Autre illustration : celui de la chirurgie robotique qui a permis de réels progrès. Ainsi, la néphrectomie partielle qui nécessitait auparavant que le patient reste douze jours à l’hôpital dont deux en soins intensifs sont désormais réalisés en ambulatoire grâce au robot.
C’est à Henri Mondor (AP-HP) qu’a été réalisée la première prostatectomie en 2000. Vingt ans plus tard, l’AP-HP souffre toujours d’un sous-équipement qui pénalise le recrutement de jeunes chirurgiens et, surtout, prive les patients d’une technologie dont la supériorité par rapport à la chirurgie ouverte n’est plus contestée. Or, plus de 60% de la chirurgie gynécologique est toujours faite par la chirurgie incisionnelle traditionnelle. De même, une étude réalisée par le Dr Couffignhal pour l’ARS en 2021 a montré une grosse inégalité de répartition dans la région Ile-de-France qui va de 1 robot pour 130 000 habitants à Paris à 1 robot pour 1 600 000 habitants dans le 93.