« Notre métier premier, c’est le soin. » Vice-président du pôle de santé de Brocéliande (Ille-et-Vilaine) et médecin généraliste, Pierre Chassaing rappelle ce que de nombreuses voix de médecins libéraux martèlent depuis de nombreuses années : les tâches administratives sont trop chronophages. Dans le cadre d’une réforme du système de santé et de la médecine libérale, des dispositifs sont créés afin de faire regagner du temps médical et de la valeur ajoutée à ce temps, notamment aux médecins généralistes (infirmières Asalée, assistants médicaux). Et si l’exercice regroupé en MSP ou en CPTS apporte une plus-value indéniable à l’exercice libéral, il impose également une charge administrative supplémentaire, notamment pour le coordinateur, qu’il soit médecin ou non.

Ce nouveau métier, qui dispose depuis bientôt deux ans d’une formation spécialisée reconnue, est en effet encore, dans la majorité des cas, assuré par un professionnel de santé de la structure, sans formation spécifique. Un professionnel qui a décidé de s’impliquer et, souvent, d’apprendre sur le tas, d’improviser, d’inventer ou de copier des techniques et des outils de gestion ou de partage d’informations. Pour Pierre Chassaing, le constat était clair : il fallait un outil spécialisé pour la coordination.

Une offre inadaptée

« Nous étions tous insatisfaits de l’offre, explique-t-il. Parmi tout ce qui existe sur le marché, il y a un outil pour tout le monde et pour tout faire… sauf la coordination ! » Le généraliste s’est alors associé à un ami, Benoît Jupinet, disposant d’une solide expérience en tant que chef de projet, et ils ont réuni une dizaine de professionnels de santé et d’amis pour financer et créer Plexus santé, une plateforme en ligne destinée à la coordination. Une professionnalisation de la bidouille « mails-Doodle-Exel » de coordinateurs, dans une philosophie fuyant la lourdeur des solutions proposées par les gros éditeurs.

Ils ont donc débuté une réflexion autour de trois axes : la gestion de projet, la gestion financière, et le partage de documents, qu’ils ont identifiés comme des piliers d’intervention des coordinateurs. Avec une philosophie simple : fluidifier le processus, pour les coordinateurs comme pour les équipes. La promesse de Plexus santé : proposer aux professionnels une vision globale de ce qu’il se passe dans leur maison de santé, permettre un échange entre professionnels et entre les structures, la production simplifiée à l’extrême d’un site web, et une aide à la structuration du bilan ACI à la fin de l’année.


Benoît Jupinet (à g.) et Pierre Chassaing (à d.)

L’idée générale pour les coordinateurs, c’est de leur donner un outil pour sortir des tâches redondantes administratives, et qu’ils puissent libérer plus de temps pour faire valoir leurs compétences, qu’elles soient liées à leur exercice de soignant, ou à celui de coordinateur, notamment autour de la gestion de projet », souligne Pierre Chassaing.

Le coordinateur-chargé de projet

La gestion de projet ne s’invente pas si facilement. Partant de ce constat et de leurs expériences respectives de médecin en exercice pluriprofessionnel et de chargé de projet, les deux associés ont monté un outil destiné à faciliter la vie des équipes. « Il est important de disposer d’un accès facile et rapide aux différents projets de la maison de santé et aux documents qui y sont liés, explique Pierre Chassaing. La méthode “débrouille” des mails a ses limites : on reçoit des réponses multiples, sans suivi des modifications, des informations redondantes... » Bref, un enfer dont beaucoup ont fait l’expérience.

Grâce à cet outil en ligne, Plexus propose une « vision globale et individuelle » de l’activité de l’équipe. On y trouve donc la liste de projets et les tâches, et pour chaque projet, un espace dédié avec les documents relatifs accessibles à tous les participants et la possibilité de gérer des réunions et de distribuer des temps de réunion.

Si ce temps de réunion est important, c’est aussi parce c’est un temps dédié à la coordination qui doit être valorisé en fin d’année lors des demandes liées à l’ACI. La plateforme se charge du suivi et de faire les bilans annuels des informations nécessaires à la transmission à la CPAM. Les financements peuvent sont répartis en temps réel.

Partage et communication

Pour pousser plus loin le jeu de la communauté pluriprofessionnelle, Plexus santé propose un outil de partage de protocoles. Les équipes qui le souhaitent peuvent ainsi mettre à disposition des autres utilisateurs de la plateforme leurs documents, leurs bibliographies et les protocoles qu’elles ont installés au sein de leur MSP. À terme, l’entreprise espère ainsi proposer à la communauté une bibliothèque nationale recensant les différents projets mis en place dans les structures qui ont adopté son outil.

Toujours dans la communication, elle s’intéresse également aux patients. « L’une des difficultés de l’exercice coordonné, c’est la diffusion des informations aux patients », souligne Pierre Chassaing. Que ce soit en période de Covid-19 sur le fonctionnement modifié de la maison de santé ou sur les gestes barrières, mais aussi en temps normal. « L’organisation de groupes de marche, par exemple, peut paraître simple à mettre en oeuvre, mais il est finalement difficile de faire passer ce genre d’informations », ajoute le généraliste.

Pour favoriser un échange avec les patients, il a souhaité proposer un outil de création automatique de site internet. Un site simple qui permet de présenter la structure et ses professionnels, de prendre des rendez-vous, mais aussi de communiquer sur les projets en cours. « Par exemple, si vous avez un projet de dépistage de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), vous pouvez mettre en ligne un questionnaire, plutôt que de le faire passer sur papier. »

Financement ACI

D’autres fonctionnalités sont encore à intégrer. L’équipe est par exemple en discussion avec les CPAM en vue du développement d’une automatisation du rapport d’activité de coordination. Elle servirait à éviter d’avoir à reporter les données fournies par Plexus santé vers l’outil des CPAM. Les liens entre les MSP et les CPTS sont également à travailler, mais l’outil est disponible pour les deux types de structures.

S’il a été développé avec l’entourage de ses créateurs, AVECsanté – sa commission coordinateurs, notamment – et la fédération bretonne et si, au total, une trentaine de personnes ont apporté leur pierre à l’édifice, l’outil devrait encore bénéficier des retours des utilisateurs et de leurs propositions d’amélioration.

Pierre Chassaing est en tout cas enthousiaste à l’idée de le diffuser, après moins d’un an de développement ! Il ajoute que l’outil ne nécessite pas de compétences particulières, ni comme gestionnaire de projet ni en informatique. « Nous l’avons pensé pour qu’il soit facile à déployer et à mettre en oeuvre. » Plexus santé est prêt, dans sa première version, et est déjà utilisé au pôle santé de Brocéliande et dans une dizaine de maisons de santé pluriprofessionnelles. Une CPTS s’est également jointe au projet.

Et le coût ? Dans un premier temps, Plexus santé est offert pour un essai de trois mois, sur un mode collaboratif. Les utilisateurs seront ainsi invités à faire leurs retours, à répondre à des questionnaires ou encore à suggérer des adaptations. Il sera proposé à 50 % la première année. « Ensuite, Plexus santé devrait représenter entre 10 et 15 % du budget dédié à l’investissement dans un système d’information partagé », rappelle Pierre Chassaing. Le prix dépend de la taille de la structure et se situe entre 5 et 15 euros par mois et par membre.

L’objectif des associés ? « Nous aimerions avoir équipé une trentaine de maisons de santé en septembre, au moment des Rencontres AVECsanté. Mais, en tout cas, nous avons pris beaucoup de plaisir à le faire, et nous en prenons beaucoup à le montrer ! », conclut Pierre Chassaing.

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