Article publié dans Concours pluripro, janvier 2023

Ils préviennent d’emblée : à la notion d’"équipe", ils préfèrent celle d’"équipage" qui résume mieux, à leur sens, "le sentiment d’appartenance à une histoire collective", glisse Valérie Payen, coordinatrice de santé à la MSP Charleval (Normandie). Une histoire collective qui s’écrit depuis ce jour où elle a posé, en filigrane de la création de la maison de santé, la citation d’Antoine de Saint-Exupéry : "Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose... Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le coeur de tes hommes et femmes le désir de la mer." Un fil conducteur d’ailleurs inscrit sur le mur de l’entrée de la maison de santé qui a ouvert ses portes le 3 mai 2021 et qui accueille aujourd’hui "31 professionnels de santé quartiers-maîtres, gabiers et moussaillons" : médecins, infirmières, sage-femme, kinés, pédicures-podologues, ergothérapeute, psychomotricienne, psychologue, kiné ostéopathe, diététicienne, orthophoniste ainsi que des consultations avancées de chirurgiens orthopédistes ou d’urologues.

Équipage Santé St Exupéry2013 : le diagnostic de territoire indiquait que les habitants du secteur étaient attachés à une santé de proximité, qui venait à disparaître en raison du vieillissement des d’installation des jeunes, explique Bertrand Fisset, médecin généraliste et leader de la structure. D’une rencontre "un soir" au centre social naît "l’envie de faire quelque chose tous ensemble" : "À l’époque, en 2014, on était onze, et on a proposé de se retrouver régulièrement pour essayer de mettre sur pied un projet de santé. Mais comme nous, professionnels de santé, n’avions aucune compétence en matière de gestion de projet, le centre social a proposé de nous accompagner et d’animer notre projet de santé", se souvient-il.

 

Un seul et même cap

Un accompagnement à travers lequel Valérie Payen, également directrice et cheffe de projets du centre social Espace Libre Charleval, tente d’insuffler un vrai sentiment d’appartenance à la démarche collective. "Ce n’est pas juste un projet. On parle d’équipes pluriprofessionnelles, mais en fait, on devrait parler d’équipage car il fait évoluer des gens différents à des postes différents. Chacun a ses compétences propres, mais toutes ces compétences sont nécessaires pour maintenir le cap : assurer la meilleure santé des habitants", explique-t-elle, précisant que chaque temps de travail se termine par un repas en commun, "des liens humains essentiels pour faire vivre un projet. On sait qu’il y aura des vents contraires – lors de réunions par exemple, ou de rencontres avec les élus – et que seul le sentiment d’appartenance peut aider à traverser ces moments difficiles".

Une fois cette notion d’équipage validée, confie Bertrand Fisset, les professionnels ont adopté son champ lexical : "L’été, on part en escale. À la rentrée de septembre, on repart au large, on hisse les voiles, et on se lance dans de grandes aventures… Cela résume bien l’histoire qu’on tente d’écrire et l’ambition que l’on poursuit", ajoute celui qui a été adoubé "Cap’tain Bertrand" en décembre 2016, lors de la présentation du projet de santé à la communauté de communes. "D’un coup, une infirmière a lancé 'Capitaine, oh Capitaine' et tous les équipiers ont répondu d’une même voix 'Fluctuat nec mergitur' (qui se traduit par : "Il est battu par les flots mais ne sombre pas") devant tous les représentants des instances. On lui a ensuite remis officiellement une casquette de capitaine que nous avions achetée pour l’occasion", raconte Valérie Payen. Un symbole de reconnaissance de son statut de leader qu’il porte, avoue-t-il en riant, "seulement lors des grandes occasions".

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