"Je suis Colette, j'ai 63 ans et je meurs. Monsieur le Président, entendez-moi !". C’est par ces mots qu’Eléonore Vidal, coordinatrice à la MSP Madeleine-Brès (Orléans), débute sa lettre ouverte, adressée au Président de la République le 13 avril dernier. Un courrier écrit "à chaud", comme le rapporte La République du centre, suite à un "un énième appel, tardif, d’une ‘petite dame’ désespérée, ne trouvant pas de médecin traitant". Si la coordinatrice précise avoir modifié le prénom et l’âge de cette patiente, "les situations sont réelles", précise-t-elle.
 


Les huit témoignages de patients relayés dans ce courrier dépeignent la situation critique dans laquelle se trouve la maison de santé, depuis le départ (en décembre et en mars) des deux médecins généralistes de la structure, ouverte en janvier 2021. L’une pour raisons personnelles, l’autre pour la retraite, précise le journal. "Nous n’avons plus de médecin traitant dans notre structure depuis mars. Il y a bien des jeunes médecins remplaçants mais qui ne peuvent être médecin traitant, précise Eléonore Vidal au Concours pluripro. Et si certains patients comprennent la situation, d’autres s’énervent et deviennent agressifs…"

Sourde oreille

La coordinatrice l’assure : l’équipe a proposé plusieurs solutions à la CPAM, notamment la possibilité de salarier quelques postes de médecin… mais celle-ci a refusé. Elle a également demandé, dans le cadre de son partenariat avec une association qui salarie des médecins addictologies – en forte demande notamment pour le renouvellement de traitement substitutifs d’opiacés – , une augmentation du temps de travail de ces professionnels mais l’ARS a rendu un avis défavorable… "On s’épuise à trouver des solutions mais la veille pour le lendemain, on nous dit non", raconte Eléonore Vidal, qui sait que le temps presse car l’ACI précise qu’une MSP doit obligatoirement être constituée d’au-moins deux médecins titulaires installés. Réponse négative de l’ARS également à la proposition de dépendre de la file active traitante de tous les professionnels et non du seul médecin référent…

En plus d’avoir de graves retombées sur la prise en charge et la continuité des soins, l’absence de médecin traitant handicape lourdement les autres professions, comme l’assistant médical ou l’infirmière en pratique avancée. Sabrina Jonquille, IPA, ne peut plus, légalement, prendre en charge ses patients : "J’ai travaillé étroitement avec les deux médecins généralistes et suite à leur départ, les patients ont perdu à la fois leur médecin mais aussi leur IPA parce que je ne peux faire de premier recours… Ce sont pourtant des patients qui, certes, sont équilibrés mais qui n’ont plus de référent de leur parcours de soin. Et c’est compliqué de se dire que sans médecin, tout tombe à l’eau... Notre coordinatrice a demandé à l’ARS Centre-Val-de-Loire une dérogation exceptionnelle pour que des médecins, autres que traitants, viennent en soutien en cas de déséquilibre du patient… mais l’ARS a refusé."
 


Depuis mars dernier, si "les secrétaires s’arrachent les cheveux et les médecins sont débordés", Sabrina Jonquille s'estime "sous-utilisée". Et pour elle, "les ARS préfèrent que les patients soient confiés aux urgences hospitalières ou aillent en pharmacie pour le renouvellement des ordonnances, plutôt que je continue à assurer le suivi. Et si le patient voit un autre médecin sur les créneaux d’urgence, ce dernier assurera la prise en charge : le patient sera vu certes mais pas suivi".

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