
Organisation
La première signataire de l’ACI entre en piste
Depuis fin août 2019, la CPTS de Vénissieux (Rhône) est devenue le premier collectif de soins à recevoir un financement de l’Assurance maladie pour lui permettre de remplir ses missions.
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Depuis fin août 2019, la CPTS de Vénissieux (Rhône) est devenue le premier collectif de soins à recevoir un financement de l’Assurance maladie pour lui permettre de remplir ses missions.
Une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) est souvent le fruit d’un long cheminement. La toute première CPTS à avoir inauguré l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI), « en faveur du développement de l’exercice coordonné et du déploiement des CPTS », a ainsi mûri depuis plusieurs années. L’un de ses actes fondateurs est la création, en 2015, de l’association Ipsav (Inter pro santé Vénissieux) qui réunit les représentants de dix professions de santé et de l’hôpital de Vénissieux, pour coordonner les professionnels qui souhaitent améliorer l’efficience des soins ambulatoires.
Cette coopération interprofessionnelle débute par « une spirale vertueuse de connaissances, de reconnaissance des compétences et des prises en charge, de coopérations », raconte le Dr Pascal Dureau, l’un des initiateurs du projet, installé à Vénissieux depuis 1990, et qui n’en est pas à son premier projet collectif. Le médecin généraliste était déjà en première ligne pour la mise en place des maisons médicales de garde (MMG) dans l’agglomération lyonnaise et, plus récemment, pour la création de deux pôles de santé interprofessionnels.
Avec l’association Ipsav, il s’agissait de « mettre à jour les problématiques de chaque profession et de voir quelles améliorations apporter à chaque profession, de façon à entrer plus facilement dans une démarche pluriprofessionnelle ». Les 154 professionnels de santé libéraux du territoire ont ainsi été identifiés et contactés, et le système d’information partagé et sécurisé Sisra Zepra a été déployé. L’association a alors présenté un projet compatible avec les axes de l’ACI, en vue de la création d’une CPTS éligible au financement par le fonds d’intervention régional (FIR).
Légende : Laëticia Bouillot, vice-présidente de la CPTS de Vénissieux, Dr Jean-Yves Grall, directeur général de l'ARS Auvergne Rhône-Alpes, et Emmanuelle Lafoux, directrice de la CPAM du Rhône.
Des plages de consultation dédiées
La CPTS doit permettre une collaboration des professionnels libéraux avec les trois Ehpad (253 lits), le service de soins infirmiers d’aide à domicile (Ssiad), les résidences autonomie, les services d’aide à domicile et les établissements hospitaliers de proximité. « Les deux premiers axes de travail consistent à favoriser l’accès aux soins et à participer au désengorgement des urgences, en facilitant l’accès à un médecin traitant (notamment pour les personnes âgées, les patients en ALD et les patients en situation de précarité) et en mettant en place des plages de consultation dédiées », décrit Myriam Nauche, directrice de la CPTS et responsable de la coordination des acteurs et du projet.
L’aide au démarrage versée par l’ARS (100 000 euros) a permis, depuis septembre 2019, son embauche à temps partiel, ainsi que celle de trois autres personnes : une secrétaire administrative chargée du suivi et de l’ensemble des tâches administratives, et deux coordinateurs de parcours entre l’hôpital et la ville (et inversement) pour accueillir et orienter la demande de soins. Ils sont chargés de trouver les ressources nécessaires en soins parmi les professionnels de la commune. La CPTS s’apprête aussi à embaucher un interlocuteur social unique pour gérer toutes les demandes et suivre les problèmes sociaux rencontrés par les patients pris en charge par les professionnels de santé de la commune, en établissant notamment un répertoire des ressources sociales.
Une année d'innovations
Les 230 000 euros de subvention annuelle de l’Assurance maladie (versés sous réserve du respect des objectifs) financeront les missions de service public. Ce début d’année marque ainsi le lancement concret des projets. Pour répondre aux besoins de soins non programmés, la CPTS met en place des astreintes de médecins généralistes, masseurs-kinésithérapeutes et infirmières qui libèrent des créneaux tous les après-midi de 14 h à 20 h. Chaque médecin s’engageant à prendre des demandes de soins non programmés sur cette plage horaire percevra un forfait de 50 euros par période de six heures, versés par l’association. Les patients qui ne trouvent pas de rendez-vous avec leur médecin traitant pourront être orientés vers un autre médecin du secteur, par l’intermédiaire de la coordinatrice.
L’accès aux plages de consultation pourra être sollicité par les pharmaciens de Vénissieux (devenant le point d’entrée dans le système) et le centre de régulation 15. Des actes de téléconsultation (article 51) avec l’outil Sara seront organisés dès février 2020, à partir de la pharmacie. Un rapport de téléconsultation sera ainsi fait au médecin traitant en messagerie sécurisée et versé au DMP du patient (si celui-ci est ouvert). L’ordonnance est, elle, transmise par voie électronique sécurisée au pharmacien désigné par le patient. « Il va falloir que la médecine s’adapte en s’appuyant sur les professionnels de santé du territoire », affirme Pascal Dureau, qui s’est engagé à programmer 100 téléconsultations dans les Ehpad d’ici à décembre 2020, dans le cadre d’un appel à projets. Par ailleurs, lorsqu’un professionnel de santé sera informé de difficultés à joindre une infirmière ou un kinésithérapeute, la coordinatrice aidera à trouver un rendez-vous dans la journée.
Deuxième priorité de la CPTS : faciliter les sorties et les retours précoces après une hospitalisation. Les 52 IDE de Vénissieux sont au centre du dispositif, les volontaires étant chargées de coordonner la sortie d’hospitalisation afin d’assurer le retour au domicile dans les meilleures conditions, d’éviter les rechutes et d’éventuelles réhospitalisations. En pratique, les établissements du secteur de Vénissieux qui auront passé convention avec la CPTS signaleront au numéro unique de la CPTS la sortie programmée dans les 24 à 48 heures d’un patient. Laetitia Bouillot, infirmière libérale et présidente de la CPTS, se félicite de ce rôle central : « On a imaginé qu’une IDE pouvait aller chercher à l’hôpital une relève avant que le patient ne sorte et transmettre les informations à l’ensemble des professionnels qui vont entourer le patient. » Le groupe hospitalier des Portes du Sud, impliqué dans le bureau de la CPTS, est partie prenante.
Plus de lien ville-hôpital
La CPTS travaille par ailleurs sur la construction des parcours de soins ville-hôpital et entre professionnels, avec la définition de protocoles communs de prise en charge des patients polypathologiques et l’utilisation du réseau social des professionnels de santé développé sur smartphone par l’URPS médecins. Des actions territoriales de dépistage et de prévention sont prévues : prévention des chutes du sujet âgé, reprise d’une activité sportive pour les diabétiques, couverture vaccinale et dépistage des cancers.
« J’ai senti un soutien réel de la CPAM, grâce notamment à un service dédié aux CPTS et aux maisons de santé. J’avais l’impression que nous parlions le même langage », se réjouit Myriam Nauche. « L’ARS et l’Assurance maladie sont plutôt bienveillantes et nous laissent avancer sans trop de pression, alors que les CPTS sont amenées à se développer partout en France », confirme la présidente Laetitia Bouillot, qui a néanmoins conscience de la difficulté à mobiliser l’ensemble des professionnels. « Il faut qu’il y ait une dynamique qui les intéresse. »
Pascal Dureau estime d’ailleurs qu’il n’y a pas le choix : « Soit vous vous organisez, soit vous faites du Uber médical. La CPTS est un modèle de résistance entropique à la société Uber, caractérisée par l’enthalpie et la destruction du système organisé qui génère plus de profit individuel mais diminue le bénéfice collectif. Est-ce que dans les cinq prochaines années, les professionnels pourront montrer qu’ils arrivent à s’organiser sur le territoire ? »